Étendre les compétences vaccinales des pharmaciens, des infirmiers et des sages-femmes pour augmenter les points d’accès à la vaccination n’est pas suffisant. « Le calendrier vaccinal est compliqué », reconnaît elle-même la Haute Autorité de santé (HAS). Et pour cause, depuis les années 1990, de nouveaux vaccins et schémas vaccinaux sont venus enrichir les recommandations vaccinales. « Les ajouts successifs ont abouti à un calendrier vaccinal difficilement lisible et encore moins mémorisable que cela soit par le public mais aussi par les professionnels de santé… », résume ainsi l’autorité. Résultat : les couvertures vaccinales sont insuffisantes en France, notamment chez les adolescents et jeunes adultes, ainsi que chez les personnes de 65 ans et plus.
« Les Français ne savent pas où ils en sont, alors qu'ils sont très favorables à la vaccination. Cela ne les incite pas à aller demander à leur pharmacien ou leur médecin à se faire vacciner », expliquait le 22 avril sur « France Info » Anne-Claude Crémieux, présidente de la commission technique des vaccinations à la HAS.
Les autorités de santé ont multiplié les messages d’alerte pour des recrudescences de cas infectieux ces dernières semaines.
Plus en détail, les taux de couverture vaccinale sont parfois loin, voire très loin des objectifs. Chez les adolescents de 15 à 19 ans, la vaccination contre le méningocoque du sérogroupe C n'atteint pas 50 % malgré une hausse de 4,2 % en un an, alors que ce taux de couverture dépasse 80 % pour les sérogroupes ACWY chez les adolescents néerlandais. La couverture vaccinale anti-pneumococcique complète chez les adultes à risque est, elle, évaluée à 4,5 %. Cette couverture varie entre 2,9 % chez les personnes porteuses de pathologies chroniques et 18,8 % chez les personnes immunodéprimées. Or, en France, les pneumocoques sont la première cause de pneumopathie bactérienne communautaire et de méningite bactérienne chez l’adulte. La mortalité des infections à pneumocoque est estimée entre 10 % et 30 %.
Les exemples de ce type sont nombreux, et pour toutes les classes d’âge : coqueluche, rougeole, grippe saisonnière, papillomavirus humain (HPV)… En conséquence, les autorités de santé ont multiplié les messages d’alerte pour des recrudescences de cas infectieux ces dernières semaines.
Le 9 avril dernier, Santé publique France alertait sur une recrudescence des infections invasives à méningocoques (IIM). En 2023, 560 cas ont été déclarés, soit une augmentation de 72 % par rapport à 2022. Parmi eux, 44 % étaient liés au sérogroupe B, 29 % au sérogroupe W et 24 % au sérogroupe Y. La présence d’un purpura fulminans était rapportée pour 18 % des cas d'IIM.
À l’occasion des Jeux olympiques et paralympiques 2024, alors que des épidémies de rougeoles sévissent en Russie et en Europe de l’Est, le risque d’importation augmente
Le 18 avril, c’est une alerte à la recrudescence des cas de coqueluche avec des épidémies importantes dans plusieurs pays européens. La France n’est pas épargnée. « Depuis de début de l’année 2024, une vingtaine de cas groupés (ou clusters) ont été rapportés à Santé publique France dans 8 régions hexagonales versus 2 cas groupés dans une seule et même région (Île-de-France) pour l’ensemble de l’année 2023 », indique Santé publique France. La couverture vaccinale de la coqueluche est estimée à 66,8 % chez les jeunes mères deux mois après l’accouchement.
Les Jeux olympiques comme accélérateur
Plus tôt, en janvier, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) alertait sur la rapide propagation de la rougeole en Europe et plus largement dans le monde avec une hausse de 79 % du nombre de cas par rapport à 2022. En France, Santé publique France relevait le 4 avril dernier « une hausse importante des cas d’un facteur 8 en 2023 par rapport à 2022 et met en lumière l’existence de poches d’individus encore réceptifs au virus, notamment parmi les adolescents et les jeunes adultes. En effet, dans la majorité des cas, des voyageurs de retour d’un séjour en zone endémique ont contracté la maladie, sont revenus contagieux en France et ont propagé le virus. » Bien que la couverture vaccinale en France soit maintenue à un niveau élevé (91,3 % chez les nourrissons, 90,4 % chez les 18-35 ans), elle reste en dessous de l’objectif de 95 % à deux doses. D’où l’inquiétude des autorités sanitaires française : « A l’aube de l’accueil en France de millions de visiteurs étrangers à l’occasion des Jeux olympiques et paralympiques 2024 et alors que des épidémies de rougeoles sévissent en Russie et en Europe de l’Est, le risque d’importation augmente. »
L’argument des Jeux olympiques a également été utilisé pour relancer la campagne de vaccination printanière contre le Covid-19, en baisse régulière et très décevante l’hiver dernier (30,2 % de la population cible vaccinée). « Faire son rappel au cours du printemps permettra d’être protégé pendant la période estivale, notamment durant les Jeux olympiques et paralympiques au cours desquels la circulation de personnes venues du monde entier pourrait favoriser une vague épidémique », affirme l’assurance-maladie.
Carrefours vaccinaux et nouvelles obligations
Les Français doivent donc encore faire des efforts. « À l’exception notable des nourrissons, chacun le sait, nos marges de progrès collectives restent importantes », interpelle la HAS. Son mot d’ordre, dorénavant, est la simplification. Elle propose de réfléchir par âges clé, sans oublier la grossesse, « qui sont les moments de la vie où la personne est plus vulnérable aux infections » et promet des changements.
Chez les nourrissons, 11 vaccins sont déjà obligatoires et on attend que la liste s’allonge. La HAS recommande d’élargir l’obligation vaccinale à tous les sérotypes chez les moins de 1 an : contre le sérotype B, qui bénéficie aujourd’hui d’une simple recommandation, et, dès que le vaccin sera disponible, contre les sérotypes ACWY « afin de couvrir toutes les souches responsables des infections invasives avant 5 ans. »
Chez l’adolescent de 11-14 ans, cette vaccination contre les méningocoques ACWY sera recommandée dès que le vaccin sera remboursé, indépendamment du statut vaccinal. Le vaccin « permettra de le protéger contre les méningites mais aussi d'éviter qu'il transmette le méningocoque, car à cet âge il est dans 10 à 20 % des cas porteurs de cette bactérie dans la gorge sans avoir de symptômes », justifie la HAS. À l’adolescence, en plus des rappels DTP coqueluche, il faut également penser à la vaccination contre le papillomavirus humain (HPV) dont la couverture vaccinale reste faible, malgré une campagne ultra-médiatisée dans les collèges. Elle n'a, à ce stade, mobilisé qu’environ 10 % des élèves de 5e.
Chez les personnes âgées de 65 ans et plus, la HAS recommande un nouveau vaccin contre le zona, Shingrix, à utiliser de manière préférentielle (meilleure efficacité pour la prévention du zona et des douleurs post-zostériennes, meilleure réponse immunitaire et meilleure réponse vaccinale que le vaccin Zostavax). Dans cette classe d’âge, il faut aussi penser au rappel DTP, à la grippe saisonnière et au Covid-19, désormais inscrit dans le calendrier vaccinal.
En plus d’une simplification du calendrier vaccinal, d’autres actions sont déjà menées ou en cours de développement pour booster les couvertures vaccinales. Parmi elles, les démarches dites « d’aller vers » permettant de toucher des personnes éloignées des dispositifs institutionnels, ou encore un calendrier de vaccination électronique avec rappels automatisés. Et la présidente de la commission technique de la HAS d’imaginer : « On espère qu'un jour vous aurez des rappels automatiques lors de vos 65 ans, vous indiquant que vous avez quatre vaccins à faire. »
Principales nouveautés du calendrier vaccinal 2024
- Infections à pneumocoque : Le vaccin conjugué à 15 valences Vaxneuvance est intégré dans le calendrier des nourrissons et enfants de moins de 18 ans. Vaxneuvance et Prevenar 13 peuvent être utilisés indifféremment dans cette classe d’âge. Chez l’adulte, l’intégration du nouveau vaccin conjugué 20-valent Prevenar 20, avec un schéma vaccinal à une dose, permet de simplifier le schéma chez les personnes cibles. Il remplace la séquence Prevenar 13-Pneumovax.
- Infections invasives à méningocoque : La vaccination tétravalente ACWY est recommandée chez le nourrisson et chez les adolescents âgés de 11 à 14 ans. Une obligation vaccinale chez le nourrisson est attendue à partir du 1er janvier 2025.
- Zona : Une fois qu’il sera remboursé, Shingrix (2 doses) devra être utilisé préférentiellement chez les personnes âgées de 65 ans et plus, et chez les adultes immunodéprimés. Zostavax ne sera plus commercialisé à l’été 2024.
- Covid-19 : La vaccination est recommandée chaque année à l’automne pour les personnes âgées de 65 ans et plus et les personnes à risque de forme grave, et au printemps pour les 80 ans et plus, les immunodéprimés et les résidents des EHPAD et USLD.
- Rougeole : Une dose additionnelle de ROR est recommandée chez les personnes nées après 1980 et qui ont reçu une première vaccination avant l’âge d’un an.
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