C’était l’argument que brandissaient les pharmaciens en opposition à la dispensation à l’unité (DAU) : aucune étude ne démontrait son intérêt écologique. The Shift Project vient de le faire. La DAU réduirait de 4 % à 17 % les émissions de gaz à effet de serre.
Malgré les déchets qu’elle engendre et les consommables qu’elle nécessite, la dispensation à l’unité serait écologique. Selon une modélisation du groupe de réflexion The Shift Project publiée fin mai, en écho aux sanctions prononcées contre deux pharmaciens qui la pratiquaient en Nouvelle-Aquitaine, la DAU permet de baisser les émissions de gaz à effet de serre liées à la production et à la distribution des antibiotiques de 4 % à 17 %.
Pour arriver à ce résultat, les shifteurs ont d’abord identifié le volume d’antibiotiques (comprimés, gélules, granules ou poudres, hors boîtes de 4 comprimés et moins) produits chaque année pour répondre à la consommation française : 86 millions de boîtes, soit plus d’1 milliard d’unités, ce qui correspond à 484 726 tonnes de conditionnements primaires et 517 900 tonnes de conditionnements secondaires et notices. Les shifteurs ont converti ces résultats en émissions de gaz à effet de serre pour chaque étape du cycle de vie d’un médicament (production des principes actifs, des excipients et des emballages, conditionnement et formulation, stockage, transport, élimination) : « Environ 10 000 tonnes chaque année, soit l’équivalent de 2 800 poids lourds », résument les auteurs.
Puis ils ont établi trois scénarios, en se basant à chaque fois sur une baisse de 9,9 % du nombre d’unités délivrées, chiffre retenu depuis les conclusions, publiées en 2017, de l’expérimentation sur la DAU d’antibiotiques menée auprès de 100 pharmaciens dans quatre régions (Île-de-France, Limousin, Lorraine, Provence-Alpes-Côte d'Azur). « 9,9 % de médicaments distribués en moins, c’est autant de médicaments qu’il n’a pas fallu produire et acheminer jusqu’à la pharmacie », expliquent les auteurs dans leur courte note. De plus, si la dispensation à l’unité génère une hausse des quantités de notices produites, traçabilité oblige, et la création de nouveaux flux correspondant aux emballages dans lesquels sont distribués les médicaments au patient au niveau de la pharmacie (« un petit pot en plastique et une étiquette »), il semble que ce nouveau modèle soit plus vertueux que le modèle actuel :
- Dans le scénario pessimiste (les médicaments sont dispensés par 5 unités et distribués dans des tubes en polyéthylène de 8 g à usage unique et chaque dispensation implique de réimprimer une notice de 2 g), malgré une hausse notable des émissions pour les emballages (près du double), il y a une baisse globale des émissions de gaz à effet de serre de 4 % ;
- Dans le scénario intermédiaire (les dispensations impliquent en moyenne 20 unités, les médicaments sont distribués dans les mêmes conditions que le scénario précédent), on relève une baisse globale des émissions de 14 % ;
- Dans le scénario optimiste (les dispensations impliquent en moyenne 20 unités mais ici, les médicaments sont distribués dans des paquets en papier kraft de 3 g avec impression d’une notice de 2 g), on constate une baisse globale des émissions de 17 %.
Reste que « pour tous les scénarios, les médicaments sont distribués en pharmacie dans de larges flacons en plastique de 100 g contenant chacun 1 000 unités », souligne The Shift Project. Un système de distribution qui n’existe pas en France.
Ainsi, la DAU « implique un changement de réglementation et de modèle économique en France : elle doit se faire en évaluant les besoins de main-d’œuvre et de financement pour les pharmaciens de ville », conclut The Shift Project. Dans l’attente, l’étau se resserre : promesse d’Emmanuel Macron depuis son premier quinquennat, la DAU a été entérinée dans la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire promulguée en février 2020. Elle concerne les stupéfiants et les antibiotiques, et peut désormais devenir obligatoire pour pallier les médicaments en rupture de stock.
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