Pour la première fois en France, une patiente souffrant de méningiomes après avoir pris Androcur durant deux décennies a fait condamner au civil trois laboratoires fabriquant ce traitement hormonal et ses génériques. Un médecin et un pharmacien ont également été jugés responsables.
C’est une décision de justice qui pourrait faire jurisprudence. Lundi 2 juin, les juges du tribunal de Poitiers ont déclaré « la SAS Bayer HealthCare, la SAS Sandoz, la SAS Viatris Santé (...) responsables des préjudices subis » par Véronique Dujardin, une patiente âgée de 55 ans. Il est reproché aux trois entreprises pharmaceutiques un défaut d'information sur les risques du médicament. La plaignante a pris Androcur puis ses génériques entre 1991 et 2013 pour traiter un syndrome des ovaires polykystiques. Elle a développé plusieurs méningiomes, des tumeurs non cancéreuses des membranes entourant le cerveau qui peuvent provoquer de graves handicaps neurologiques. Elle souffre aujourd’hui de troubles visuels et de la mémoire ainsi que d'une fatigue importante. Elle assure n'avoir jamais été prévenue des risques du traitement alors qu'un article scientifique a évoqué dès 2008 un lien entre la molécule (acétate de cyprotérone) et l'apparition de méningiomes.
Selon les juges, le dommage né de la pathologie qu'elle a développée, tenant aux méningiomes diagnostiqués en 2013, « est bien le résultat des traitements médicamenteux à base d'acétate de cyprotérone qu'elle a continué à prendre » jusqu'à cette date, « notamment à compter de 2008 ». La justice a également retenu la responsabilité de son médecin et de son pharmacien, dans une bien moindre mesure. Les laboratoires (à hauteur de 97 %), le prescripteur (2 %) et l’officinal (1 %), ont été condamnés à verser solidairement environ 325 000 euros, dont 20 000 euros au titre du préjudice moral et 305 000 euros au titre de la perte de chance. Une indemnisation assortie d'une exécution provisoire partielle, pour les laboratoires, à hauteur de 25 %. Pour Véronique Dujardin, cette décision est « une grande victoire ». La plaignante se réjouit aussi du fait que la responsabilité ait été imputée en grande partie aux laboratoires pharmaceutiques fabriquant le médicament et non à son médecin et à son pharmacien. « J'avais peur qu'ils paient pour eux », a-t-elle déclaré à la sortie du tribunal.
Selon l’avocat de la plaignante, Me Sintès, la décision rendue à Poitiers ouvre désormais la porte à « une multiplication des procédures » d'indemnisation. « On est en train de constituer 750 dossiers », dont « une centaine sont en cours d'expertise ou ont fait l'objet de premières requêtes et de premières procédures judiciaires », a également confirmé Me Charles Joseph-Oudin, conseil d'une association de victimes. Des plaintes pénales ont également été déposées à Paris, selon le conseil, et une procédure engagée devant le tribunal administratif de Montreuil vise, elle, à engager la responsabilité de l'État.
De son côté, le groupe Bayer a réagi à cette condamnation, se disant « en désaccord avec la décision du tribunal », laquelle « s'inscrit à rebours » des rapports d'expertise ayant écarté « toute faute ou défaut d'information » concernant Androcur, selon son analyse. Le groupe pharmaceutique a déjà annoncé son intention de faire appel.
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