À la lecture de la presse professionnelle, deux faits divers peuvent apparaître à première vue indépendants, mais viennent quelque part nous interroger quant à l’avenir de notre profession.
Le premier concerne les débats autour d’une éventuelle réforme de notre formation initiale, suite à la Grande conférence de santé. Tous les représentants de notre profession ont pointé la nécessité d’un apprentissage de la concertation avec les autres professionnels de santé. Et c’est tant mieux, car l’avenir du pharmacien de ville est évidemment lié à la contribution qu’il pourra proposer aux côtés des autres professionnels libéraux.
Les divergences apparaissent au niveau de la longueur des études : en rester à la formule actuelle ou rallonger le cursus de deux ans ? Débat difficile de prime abord, mais les étudiants semblent plus clairvoyants en voulant d’abord mieux apprécier « le champ de compétences du pharmacien et l’évolution du métier souhaitée ».
Le second fait divers correspond à la publication dans « les Échos » d’une tribune écrite par un pharmacien responsable d’un laboratoire pharmaceutique. Ce dernier, en intitulant ses propos plutôt provocateurs « Et si Leclerc réinventait le conseil du pharmacien ? », laisse entrevoir une nouvelle manière de prodiguer nos conseils en fonction du contenu des ordonnances des patients, via des applications mobiles… Voilà bien une autre conception de la relation de soin.
Que le monde de la santé fasse appel aux objets connectés de toutes sortes, on a pu en constater les bénéfices depuis quelques années. Mais de là à communiquer nos conseils par l’intermédiaire de textes papier ou électroniques impersonnels, ne prenant aucunement en compte ce que le patient sait déjà, ou ne comprend pas, ou n’arrive pas à suivre, tout cela est contraire à toute relation véritablement thérapeutique.
Les questionnements ne manquent pas autour de ces deux problématiques. Mais une question réapparaît toujours, la même qui n’en finit pas d’écarteler notre profession officinale : quelle relation voulons-nous avoir avec nos patients/clients ? Préférons-nous un monde qui se contente de messages anonymes, normalisés, si bien formulés soient-ils, mais qui tendent à nous éloigner de plus en plus du monde de la santé car trop proches du monde consumériste ? Ou optons-nous pour la pratique d’une véritable relation de soin, qui s’attache à considérer la personne comme unique, avec son histoire, sa fragilité, ce qu’elle vit, ses attentes comme ses réticences ? Où voulons-nous vraiment placer le curseur dans ces relations ?
En fin de compte, nos étudiants ont bien raison d’inciter notre profession à mieux se déterminer sur les choix à venir. Au travers de la question du sens de leur formation, ne nous interrogent-ils pas finalement sur le sens que nous voulons donner au soin, à la relation de soin, à partir de la spécificité qui est la nôtre ? Ne nous interpellent-ils pas aussi sur les conditions dans lesquelles nos pratiques s’exercent, les conditions de l’interprofessionalité et ses limites ? La mise en question de nos pratiques individuelles et collectives, en prenant en considération leurs dimensions sociale, économique, politique et éthique, n’est-ce pas cela qui nous est demandé à présent de clarifier ?
Toutes ces questions sont récurrentes et seront en partie abordées au cours d’une journée organisée le 13 mars à Paris* par des associations de médecins, infirmières, travailleurs sociaux, pharmaciens et autres professionnels dans la santé. Cette journée, intitulée « Entre usagers et professionnels dans la santé et le social, osons l’alliance », entend inventorier les tensions, mais aussi mettre en valeur les avancées constatées dans les relations entre usagers, professionnels et institutions. Vous y êtes bien sûr invité(e)s.
* Renseignements et inscriptions à partir du site www.pharmacienschretiens.fr
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