Le dispositif devient concret. Construit par l’ensemble de la profession pour faire face aux ogres européens de la pharmacie en ligne et répondre à la politique générale d’un gouvernement Attal qui, il y a un peu plus d’un an, voulait libéraliser la vente de médicaments Conseil sur Internet, le portail numérique « Ma Pharmacie en France » est officiellement reconnu, après 15 mois de travaux. Plus précisément, les groupements (Federgy, Union des groupements de pharmaciens d’officine – UDGPO et Le Collectif) ainsi que les syndicats de pharmaciens (Fédération des syndicats pharmaceutiques de France – FSPF et Union des syndicats de pharmaciens d’officine – USPO) ont scellé, le 22 mai, leur partenariat avec La Poste Santé & Autonomie. Cette filiale numérique du groupe La Poste apporte son savoir-faire dans le digital et ses services de proximité (60 000 facteurs), au sein d’une joint-venture qui sera détenue à 67 % par les acteurs du réseau pharmaceutique. C’est donc « un portail numérique souverain et sécurisé » et « respectant le schéma de la pharmacie française » qui vient d’être créé par les pharmaciens pour toutes les pharmacies du territoire, syndiquées ou non, moyennant une adhésion (à partir de 49 euros par mois), explique Alain Grollaud, président de Federgy et fer de lance du projet.
Plus que de la vente en ligne, « Ma Pharmacie en France » se veut être un portail de services « respectant les exigences réglementaires et éthiques de la vente de médicaments sans ordonnance » et se conformant aux « lignes rouges de la profession » : libre choix du patient ; pas de stocks déportés (les médicaments et produits de santé doivent partir de la pharmacie) ; dispensation sur la base de l’original de l’ordonnance et de la carte Vitale. Encore en cours de développement, quatre briques de service pourront toutefois être proposées dès octobre :
- La vente en ligne de médicaments hors prescription médicale, de compléments alimentaires et de produits de parapharmacie ;
- La livraison de médicaments « suite à la dispensation en officine », précise Alain Grollaud ;
- Un agenda pour permettre la prise de rendez-vous vaccination, entretiens pharmaceutiques ou toute autre mission proposée par l’officine ;
- Une partie « communication » pour valoriser les services de chaque officine auprès du grand public, mais aussi informer sur les pharmacies de garde et diffuser des messages de santé publique.
Mais ce n’est pas tout. Les équipes numériques de La Poste Santé & autonomie développent des services impliquant l’intelligence artificielle pour, entre autres, la détection des interactions médicamenteuses ou des fausses ordonnances. De quoi faire mieux et plus pratique que la plateforme ASAFO-Pharma de l’assurance-maladie, selon plusieurs pharmaciens de terrain…
En chantier également, brancher « Ma Pharmacie en France » avec « Careside », la plateforme parcours de santé de La Poste, pour préparer la sortie hospitalière du patient. « On va vous ramener au sein de l’officine des patients qui sont partis ou qui sont captés par d’autres acteurs, et notamment les PSAD (prestataires de soins à domicile, N.D.L.R.) », note Alain Grollaud. Un service des manquants, inspiré de l’entraide entre pharmaciens pour se dépanner de vaccins antigrippaux en début d’année, est aussi en projet.
Un prolongement de la pharmacie physique
Le principe de « Ma Pharmacie en France » est de reproduire en digital, dans un espace propre à chaque pharmacie, les mêmes services que propose la pharmacie physique.
« Techniquement, je suis patient, j’ai une application digitale sur laquelle je peux faire une commande. Le pharmacien fait la dispensation. Connecté à son LGO et ses outils de back-office, le pharmacien dispose de toutes les informations nécessaires sur le patient », explique schématiquement Guillaume Bosc, directeur général de « Ma Pharmacie en France », qui se présente lui-même comme coordinateur du projet. « Il faut séparer la vente de ce qui est médicaments OTC et parapharmacie, qui peut être complètement dématérialisée, des autres médicaments. Ce n’est pas parce que le patient aura rempli son application que cela exonérera le pharmacien d’avoir l’original de l’ordonnance et la carte Vitale. C’est fondamental », ajoute Pierre-Olivier Variot, président de l’USPO.
« À la fin, tout est automatisé jusqu’à l’étiquette pour que le facteur puisse venir chercher le paquet, poursuit Guillaume Bosc. On reste bien sur les lignes rouges : le paquet est opaque et scellé, le facteur est formé pour dire non à un pharmacien si le paquet n’est pas scellé. C’est déjà le cas avec le système en place de « Mes Médicaments chez moi ». » Un téléservice visuel par chat sécurisé sera également accessible via le portail pour accompagner la commande en ligne. Quant à la livraison, elle sera effectuée entre 2 heures et J + 1, avec des tarifs – les mêmes pour tous – progressifs. Attention, le téléservice se fait sur une zone de chalandise de proximité, la zone étant encore à définir car la notion de proximité n’est pas la même dans les grandes villes que dans les zones rurales. D’autres pharmaciens pourront préférer se déplacer eux-mêmes auprès du patient pour une livraison à domicile telle qu’organisée par le Code de la santé publique.
Résistance
Une chose est certaine, « Ma Pharmacie en France » n’est pas une plateforme de vente en ligne, se défend la profession. « On ne rentrera jamais par le produit. On rentre par la pharmacie », explique Alain Grollaud. « La “e-pharmacie” doit se caler sur la vie réelle. C’est un portail que l’on propose et comme dans la vie réelle où vous poussez la porte de la pharmacie, ici vous entrez virtuellement par la porte de votre pharmacie », résume finalement Pierre-Olivier Variot.
C’est en effet au patient de choisir sa pharmacie, en recherchant sur le portail le nom ou l’adresse de son officine, ou sa propre adresse. Les algorithmes vont alors donner les quelques pharmacies à proximité. Dans tous les cas, il n’y a pas de géolocalisation. Quel que soit le patient, la data appartient aux pharmaciens.
Pour Dominique Pons, directeur général de La Poste Santé & Autonomie, « Le gros pari que l’on fait est d’utiliser un portail numérique national, qui n’est pas ubérisé, sans intermédiaire, en disant que ce n’est pas sur Google que l’on va chercher le conseil, mais chez le pharmacien. C’est le pharmacien qui va dire : “dans l’extension de nos capacités de services, nous vous proposons un nouveau service en ligne”. » Toute une réflexion du patient/consommateur à inverser, donc. « On va éduquer le patient », poursuit-on chez La Poste qui prépare une campagne de communication à destination du grand public. « Toute La Poste, avec tous ses moyens, se mettra au service d’une profession qui se met ensemble », explique Philippe Dorge, directeur général adjoint, en charge de la branche Services-Courrier-Colis.
Le but est en effet de répondre à une idée fixe du gouvernement, celui d’ouvrir la vente en ligne de médicament, du moins de médicaments Conseils, pour faire baisser les prix. « On ne voulait surtout pas que ce projet de pharmacie numérique détruise le maillage », rapporte Pierre-Olivier Variot. « On passe à l’offensive contre les différents acteurs européens de la vente en ligne, pour proposer une solution qui permettent de rester dans cette mouvance sociétale », ajoute Laurent Filoche, président de l’UDGPO qui a fait « bouclier » contre les différentes attaques européennes de ces dernières années. « Il y a des dangers de toute part. Aujourd’hui certaines choses remontent, comme la financiarisation, les menaces sur le monopole et la vente en ligne. La vente en ligne ne peut être faite de façon qualitative par les pharmaciens », prévient Fabrice Camaioni, vice-président de la FSPF.
Reste maintenant à convaincre les confrères. Il faut au minimum 3 500 à 4 000 pharmacies adhérentes pour que le projet soit viable. « Il faut aussi anticiper l’arrivée de futurs acteurs, entrevoit Alain Grollaud. C’est très important que les pharmaciens se reconnaissent dans cette application, et s’en saisissent. À un moment donné, il n’y aura pas le choix. » Et la direction générale des entreprises (DGE), qui a bousculé les pharmaciens au début de cette histoire, veille.
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