Les années se suivent et ne se ressemblent décidément pas à l’officine. Comme nombre d’autres secteurs, le marché de l’officine a vécu dans une parenthèse morose en 2020, sans véritable reprise à l’issue des deux premiers confinements. Ni même d'ailleurs au premier trimestre 2021. Mais depuis lors, la croissance est de retour, en lien direct avec une activité hors norme, proportionnelle à l’épuisement des titulaires et de leurs équipes.
L’année dernière s’est terminée sur les chapeaux de roues et 2022 a commencé sur le même mode. Ainsi, les cinq premières semaines affichent une croissance, tous marchés confondus, de 11 % non seulement par rapport à 2021 mais aussi comparée à 2020. Cela repose sur « une prescription de ville qui reste soutenue à +5 % (+3 % vs 2020), une prescription hospitalière en forte croissance maintenue à +14 % (+22 % vs 2020) » et une part du « conseil » à +26 % (+19 % vs 2020), explique David Syr, directeur général adjoint de GERS Data. Ce segment du « conseil » est tiré vers le haut par les autotests puisque, une fois soustraits, la croissance reste forte mais tombe à +12 % (+5 % vs 2020). Les autotests influent également sur le résultat global et représentent 2 points dans la croissance tous marchés confondus : sans eux, elle passe de 11 % à 9 %.
Le GERS s’est penché sur l’évolution du chiffre d’affaires de l’officine par taux de TVA : +9 % pour les médicaments soumis à une TVA à 2,1 % ; +6 % pour les produits dont la TVA est à 5,5 % ; +10 % pour la TVA à 10 % ; et enfin +6 % pour la TVA à 20 %. Dès lors, remarque David Syr, on peut se demander comment la croissance sur l’ensemble des marchés peut atteindre les 11 %. Là encore, le dépistage est en cause : les autotests, tout comme la réalisation des tests antigéniques, ont un taux de TVA à 0 %. « En tout début d’année, les pharmacies ont été prises d’assaut pour réaliser des tests antigéniques, c’est à ce moment-là qu’on a enregistré les records en termes d’élasticité à répondre à la demande. On pensait qu’il y aurait un plafonnement à 3 millions de tests par semaine et c’est monté à plus de 6,5 millions. La demande est en forte baisse ces derniers jours, mais le niveau reste quand même très élevé, avec 4,3 millions de tests antigéniques et 1,7 million d’autotests pour la première semaine de février. »
Retour de la convivialité
La croissance des marchés est aussi portée par le retour des pathologies hivernales, absentes l’an dernier. En médecine de ville, le nombre de consultations globales reste stable mais celles liées à la bronchiolite et aux pharyngites retrouvent des niveaux comparables à l’hiver 2019-2020. « C’est le retour de la convivialité, des échanges, avec certainement une fragilité des gestes barrières, et donc un sursaut des consultations pour pathologies hivernales », analyse David Syr. En conséquence, le marché du médicament remboursable à l’officine est en croissance de 8 % sur les 5 premières semaines de 2022, poussé par les classes des antibiotiques (+22 %), des antipyrétiques (+10 %) et des références bronchopulmonaires (+50 %).
Le marché du médicament « conseil » est en croissance pour les mêmes raisons en janvier. Le segment de l’automédication progresse de 22 % (-6 % vs 2020) propulsé par les catégories douleurs et fièvre (+67 %), mal de gorge (+86 %), rhume/état grippal (+40 %), toux sèche (+88 %) et diarrhée (+40 %). Le segment plus large de la santé familiale et de la nutrition gagne 17 % (8 % vs 2020), là encore porté par les indications douleurs et fièvre, mal de gorge, toux, rhume/état grippal, confort respiratoire et diarrhée, mais aussi par les promesses tonus/vitalité, immunité/défenses naturelles et sommeil. « Cela montre bien le rôle renforcé d’acteur de santé au quotidien du réseau officinal », souligne David Syr. Quant au segment de l’hygiène et de la dermocosmétique (hors gel hydroalcoolique), il progresse de 4 % sur les cinq premières semaines de 2022 (+8 % vs 2020). « Même si le début de l’année a été compliqué au regard de la réalisation des tests antigéniques, cela a engendré du passage en pharmacie », indique David Syr. Il y voit la preuve que les pharmaciens ont intégré l’importance de « bien travailler le linéaire » de la santé familiale et de la nutrition, « source de dynamisme prometteur pour 2022 ».
Fortes baisses de prix à venir
Pour Patrick Oscar, délégué général du GIE GERS et directeur général du GERS Data, l’ensemble de ces résultats est révélateur de « l’évolution majeure du métier de pharmacien ces dernières années » rendue plus perceptible par l’effet de la crise du Covid. Il remarque, pour sa part, que le taux de pénétration des génériques continue d’augmenter. Après avoir atteint 83,4 % en 2020, puis 83,9 % en 2021, il s’affiche à 84,2 % pour le seul mois de janvier 2022. Ce n’est pas le cas des biosimilaires dont le taux de pénétration était seulement de 22,7 % il y a deux ans, 20,1 % l’an dernier et 20,5 % en janvier 2022. Le droit de substitution biosimilaire entériné par la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2022, limité à ce stade à deux molécules, ainsi que l’accord des médecins sur six molécules interchangeables, changera-t-il la donne ?
Le directeur général du GERS Data s’inquiète par ailleurs que le montant des économies prévues sur le médicament par la LFSS 2021 n'ait pas été atteint. Selon ses estimations, l’impact des baisses de prix est en effet de 478 millions d’euros net et non de 640 millions d’euros net. En outre, la hausse des prix accordée aux immunoglobulines polyvalentes en octobre 2021 va avoir un effet report cette année. « Cela veut dire que nous devons nous attendre à de très fortes baisses de prix pour tenir l’objectif de 825 millions d’euros d’économies fixé par la LFSS 2022 », prévient Patrick Oscar. Des données à prendre en compte alors que les syndicats négocient pied à pied la nouvelle convention pharmaceutique avec l’assurance-maladie (voir en page 4), convention qui va donner l’orientation métier de la profession pour les cinq années à venir.
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