Certaines réformes se font attendre depuis longtemps. En premier lieu, c’est la substitution de biosimilaires qui n’est toujours pas très opérationnelle sur le terrain de l’officine, avec seulement trois molécules que le pharmacien peut substituer, et aucun accord concernant les remises sur les marges, comme il en existe pour les génériques.
En effet, la substitution de biosimilaires par le pharmacien, inscrite dans la loi de financement de la Sécurité sociale de 2022, est autorisée pour trois groupes : le filgrastim (Neupogen), le pegfilgrastim (Neulasta) et, depuis début novembre 2024, le ranibizumab (Lucentis). Cette liste restreinte devrait cependant évoluer. En effet, la loi de financement de la sécurité Sociale (LFSS) pour 2024 a introduit une nouvelle disposition en vue de favoriser la substitution des médicaments biosimilaires. Il est prévu que deux ans après la publication de l’inscription au remboursement du premier biosimilaire d’un groupe donné, un arrêté du ministre de la Santé autorise la substitution par le pharmacien au sein de ce groupe, sauf avis contraire de l’ANSM publié avant la fin de cette période de deux ans. « Pour les médicaments biosimilaires inscrits sur la liste des médicaments remboursables à la date de publication de la LFSS 2024, nous devons rendre un avis avant le 31 décembre 2024 », précise l’ANSM, qui a d’ailleurs déjà rendu un avis favorable pour la substitution de Lucentis et Eylea. Ce dernier a abouti, pour le moment, à l’autorisation de substitution de Lucentis par le pharmacien (mais pas encore d’Eylea). D’autres classes thérapeutiques sont en cours d’étude par l’ANSM, notamment les médicaments indiqués en rhumatologie.
Autre point amené à évoluer : les remises sur les médicaments biosimilaires et hybrides. L’amendement les concernant figurait dans PLFSS pour 2025 et leur taux devait être discuté début 2025 après l’adoption du PLFSS. Mais, avec le rejet de celui-ci, tout repart de zéro. Pas de PLFSS voté, donc pas de mesures sur les remises des médicaments hybrides et biosimilaires et au final, rien à discuter en 2025 sur la hauteur de ces remises… À la plus grande déception des officinaux.
La réforme du 3e cycle joue l’Arlésienne
Quant aux études pharmaceutiques, la situation n’est guère meilleure. Une réforme est toujours attendue pour le 3e cycle (6e année pour le cycle court). Une réforme dont on parle depuis 2017 et qui n’a toujours pas vu le jour. Avant que la motion de censure ne tombe, l’espoir était qu’elle soit mise en place pour la rentrée 2025…
Cette réforme doit notamment permettre la mise en place de DES court officine et industrie et du statut de maître de stage des universités. Dans les grandes lignes, le stage de 6e année serait plus long : de 9 ou 12 mois au lieu de 6 mois, et serait réalisé en continuité avec l’enseignement universitaire. « Par exemple, on pourrait avoir tout au long de l’année, des semaines de 4 jours de stage et 1 jour d’enseignement à la faculté, ou des stages de trois semaines suivis d’une semaine de cours », illustre Théo Revelle, de l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (ANEPF). Le gouvernement Attal avait envisagé que cette 6e année soit rémunérée sous forme d’enveloppe globale de 11 250 euros par étudiant pour l’année. Il avait également accepté le principe d’une aide pour le transport, d’un montant de 130 euros par mois, mais refusé toute aide au logement. Toutefois, rien de tout cela n’a été acté, mais seulement discuté avec le gouvernement Attal, et plutôt bien accueilli par son successeur. Qu’en sera-t-il avec le nouveau Premier ministre et nouveau ministre de la Santé ?
Fragile souveraineté
Autre dossier complexe : la réindustrialisation de la France qui, si elle a commencé, reste fragile. En effet, afin de lutter contre les pénuries de médicaments, le gouvernement a établi une liste de 450 médicaments critiques en juin 2023 et mis en place un plan de relocalisation de la production de médicaments et de principes actifs, qui prévoit des appels à projets et 7,5 milliards d’euros d’investissements. On compte déjà Aguettant, Delbert, Benta Lyon parmi les laboratoires qui bénéficient du soutien de l’État. Un autre exemple est celui du goupe Seqens, qui construit avec l’aide du gouvernement une unité paracétamol près de Grenoble. Elle sera la première usine de production de paracétamol en Europe, dont la mise en service est prévue en 2025. Plus récemment, le Laboratoire UPSA a signé un accord avec l’État : il a obtenu un gel du prix du paracétamol pendant 2 ans et s’est engagé à produire deux médicaments d’intérêt thérapeutique majeur sur son site d’Agen. La prégabaline et la lamotrigine ont été évoquées.
Toutefois, la partie est loin d’être gagnée, car la relocalisation coûte cher et les pouvoirs publics ne favorisent les projets qu’à hauteur de 15 %. De plus, l’année 2024 a été ponctuée de mauvaises nouvelles pour l’industrie française du médicament, avec des potentielles ventes d’entités de laboratoires pharmaceutiques qui ont fait du bruit. Tout d’abord, Servier a envisagé de vendre Biogaran au groupe indien Aurobindo, avec le risque de délocaliser la production hors d’Europe. Cette annonce a déclenché une avalanche de réactions politiques et à plusieurs reprises, l’exécutif a assuré que des « conditions drastiques » seraient mises en place en cas de repreneur étranger. Pour ces raisons et d’autres, le 6 septembre, Servier a renoncé à cette vente, sans fermer la porte à une future cession.
Ensuite, quelques semaines plus tard, c’est Sanofi qui a mis en vente sa filiale santé grand public Opella, qui produit entre autres Doliprane, Dulcolax, Lysopaïne, sur deux sites (Compiègne et Lisieux). Sanofi a confirmé, le 21 octobre, s’allier au fonds d'investissement américain CD & R pour une valeur d'entreprise d'environ 16 milliards d'euros. Cette cession, outre la perte d’Opella, pourrait avoir d’autres conséquences pour la souveraineté française : en effet, le futur site de production de Seqens doit approvisionner Sanofi (tout comme UPSA) en paracétamol. Mais qu’en sera-t-il si les unités de production d’Opella à Compiègne et Lisieux sont délocalisées ? Pour éviter le pire, l'État est intervenu dans la vente : via BPI France, il sera actionnaire (à hauteur d’environ 2 %) d’Opella et s’est assuré auprès de Sanofi que « les garanties sur l'emploi et la sécurité sanitaire étaient maintenues », comme l’a affirmé le ministre de l'Économie de l’époque, Antoine Armand. Ces cessions à des groupes étrangers d’entités françaises ne sont pas de bon augure, alors que le pays tente de relocaliser des productions vitales face aux pénuries de médicaments.
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