La décision de l’ANSM de lister les spécialités contenant de la pseudoéphédrine a été radicale : du jour au lendemain, les huit présentations anti-rhume concernées ont disparu du rayon conseil des officines. Depuis le 11 décembre 2024, ils sont passés dans le back-office, à l’abri des yeux des clients, car leur délivrance est désormais soumise à prescription médicale (liste I). Mais ces ordonnances se font rares. « Ces médicaments se prennent en cas de crise aiguë, explique Yorick Berger, pharmacien membre du bureau de la FSPF. Personne ne perd 3 à 4 jours pour une consultation sachant que la durée d’un rhume est de 7 à 8 jours. » Le titulaire parisien a bien vu passer deux ordonnances en ce début d’année : « l’une pour un médecin qui se l’est prescrit à lui-même, l’autre pour un patient qui avait fait rédiger une ordonnance à l’avance. »
Une baisse des ventes abyssale
Conséquence : la baisse des ventes est « abyssale », selon le terme de David Syr, directeur général de GERS Data. Elles ont chuté de 89,5 % en volume en janvier 2025 par rapport à janvier 2024. « On est dans une logique ON/OFF, en pleine saison hivernale ». Les acteurs ont été informés d’une annonce le lundi soir, l’ANSM a publié son avis le mardi, les boîtes ont été retirées le mercredi. Entretemps, certains patients se sont précipités pour faire du stock. Les ventes sont passées de 75 à 80 boîtes par semaine avant le listage à 12, puis 10, puis 9 après. Elles représentent 0.9 % des produits rhumes à la mi-janvier, selon le bilan du marché en vente libre d’IQVIA.
Si une majorité des pharmaciens adhère au listage de ces produits, plus de 30 % déplorent cette décision
Antoine Collet, directeur du panel Pharmastat
« Si une majorité des pharmaciens adhère au listage de ces produits, plus de 30 % déplorent cette décision », selon Antoine Collet, Directeur du panel Pharmastat. Ils regrettent d’avoir été mis devant le fait accompli : « Certes, l’ANSM a pris des mesures de restriction les mois précédents, mais si nous avions su à l’avance la date du listage, les pharmaciens n’auraient pas constitué de tels stocks », déplore Cyril Colombani, président de l’USPO Alpes Maritimes. « Le législateur a pris une décision sans obligation pour les industriels, et les industriels reportent la gestion du problème sur les officines », estime-t-il.
Les acteurs ont été informés d’une annonce le lundi soir, l’ANSM a publié son avis le mardi, les boîtes ont été retirées le mercredi
Où sont passés ces stocks ? « Chaque pharmacien doit se débrouiller dans un bras de fer avec les labos pour négocier leur reprise », explique Cyril Colombani. Selon Alliance Healthcare France, les achats de ces spécialités se sont faits à 99 % par le canal direct. « L’ANSM a autorisé l’écoulement des unités “en l’état “ pour éviter toute rupture, explique Luc Besançon de NéreS, qui représente les industries du secteur. Reconditionner les emballages pour imprimer le cadre rouge et modifier les recommandations prend du temps et les chaînes de production ne se réorganisent pas comme ça. »
Impact neutre pour le chiffre d’affaires
Chaque laboratoire applique donc sa propre politique commerciale. Sollicités, ils ne nous ont pas répondu. Seul Sanofi confirme « une très forte baisse des commandes de Dolirhume ». « Urgo a accepté de reprendre le stock et nous a remboursé », relève Yorick Berger pour sa propre officine, « les autres négocient les retours, à plus ou moins longues échéances, la date de péremption étant en général de deux ans ». Condition préalable à la reprise, certains laboratoires demandent en échange de passer des commandes d’autres spécialités.
Selon IQVIA, l’impact sur le chiffre d’affaires « est perçu comme neutre » selon 69 % les pharmaciens et comme « négatif » à « très négatif » par 26 % d’entre eux. « Ils estiment avoir recours à un large éventail d’alternatives thérapeutiques à proposer à leurs patients », explique Antoine Collet. Ils citent d’autres médicaments pour le rhume (80 %) comme Fervex ou HumexLib, des sprays décongestionnants (78 %) comme Pranarom Aromaforce, des solutions salines (66 %) comme Actisouffre, de l’aromathérapie (57 %) comme Pérubore… Mais des fausses ordonnances circuleraient déjà. « Quand on connaît tous les prescripteurs, comme nous à Roquebrune-Cap Martin, observe Cyril Colombani, on sait quand elle est faite à la maison. »
Une idée de l’assurance-maladie
Médicaments, pansements : quelle est cette expérimentation contre le gaspillage ?
A la Une
Révision de la grille des salaires : ce qui va changer
Vaccination à l’officine
Giropharm : « mon pharmacien prescrit et vaccine »
Santé et bien-être
GipharLab, un incubateur pour accompagner de jeunes marques