Entretien avec Thomas Morgenroth : « Le pharmacien est sous perfusion des remises génériques »

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Publié le 23/10/2025
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Professeur en Droit et Économie pharmaceutique à la faculté de pharmacie de l’Université de Strasbourg et Docteur en pharmacie, Thomas Morgenroth propose une approche universitaire de la question de la refonte du modèle économique de l’officine.

Thomas Morgenroth

Crédit photo : DR

Le Quotidien du pharmacien.- Quelle vision proposez-vous concernant l’avenir de la rémunération officinale ?

Thomas Morgenroth.- Je pense que l’idée forte de cette réflexion, c’est de dire que le mode de rémunération du pharmacien doit être corrélé à la valorisation du temps pharmaceutique. En d’autres termes, quelle est la valeur ajoutée du travail des pharmaciens ? Il y a eu ces dernières années un glissement dans leur exercice et dans leur rémunération. Ce qui était important, c’est que le médicament soit disponible et délivré dans des conditions sécurisées. La valeur ajoutée tenait dans la proximité et la sécurisation, la rémunération se construisait sur la marge commerciale. Mais cette valeur ajoutée est en train de s’étoffer. La sécurisation est assurée grâce à d’autres process, notamment le code Datamatrix, tandis que la question de l’accessibilité reste en suspens, puisque les livraisons à domicile et la télé-dispensation commencent à poindre. La valeur ajoutée du pharmacien se reporte sur des questions comme la nécessité d’un suivi étroit, sur celle de l’observance ou du suivi des patients. Par conséquent, les revenus sont de moins en moins constitués de la marge commerciale et de plus en plus d’honoraires liés à des actes.

Comment vous positionnez-vous au sein du débat tout honoraires contre marges commerciales ?

La structure de la rémunération a évolué avec les missions de la profession. Ses prérogatives – et donc sa valeur ajoutée — ne sont plus les mêmes qu’il y a 20 ans. Dès lors, j’ai le sentiment que cette évolution va dans le sens d’une rémunération au tout honoraires, puisque c’est aujourd’hui ce qui constitue la plus large part du travail du pharmacien. Je ne dis pas qu’il faut rémunérer au tout honoraires, mais je dis que les honoraires valorisent aujourd’hui ce à quoi le pharmacien consacre le plus de temps. C’est donc là qu’est sa valeur ajoutée. Aux détracteurs du tout honoraires qui argumenteraient que le pharmacien serait dépendant de la Sécu, je répondrais qu’il l’est déjà puisque 70 % de sa rémunération, selon des chiffres de KPMG, sont liés aux produits remboursés. C’est donc un non-argument.

Quel enseignement tirez-vous de la crise sur les remises génériques ?

La crise des remises sur les médicaments génériques a mis en évidence le fait que la survie du réseau repose sur sa capacité à négocier des remises sur une partie des médicaments. À l’origine, les remises qu’on accordait aux pharmaciens avaient pour objectif de les inciter à la substitution. Aujourd’hui, ce pécule n’est plus un surplus mais une nécessité. Le pharmacien est donc sous perfusion de ces remises. Il n’a pas vocation à être un négociateur, pourtant il tire une partie de sa rémunération d’accords économiques. Pour qu’il consacre du temps à ce qu’on lui demande, c’est-à-dire des actes pharmaceutiques, il faut que ceux-ci représentent un modèle économique soutenable. Dès lors, si l’on poursuit la dynamique actuelle de l’évolution du métier, il faut revaloriser les actes. Il y a un choix politique à faire.

Propos recueillis par A.-A.D.

Source : Le Quotidien du Pharmacien