Le Pr Luc Montagnier est mort mardi 8 février à l'hôpital américain à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine). Rejeté sur le tard pour des théories douteuses, le Pr Luc Montagnier reste à jamais associé à la découverte du virus du sida qui lui a valu le prix Nobel de médecine en 2008 avec le Pr Françoise Barré-Sinoussi. Ses propos controversés contre les vaccins anti-Covid l'avaient remis sur le devant de la scène, lui attirant la sympathie des antivax et le discréditant un peu plus auprès de la communauté scientifique.
« J'ai toujours cherché l'insolite. J'ai du mal à travailler sur un courant déjà établi », confiait ce biologiste spécialiste des virus dans un documentaire consacré à des travaux qu'il qualifiait lui-même de « sulfureux » sur la « mémoire de l'eau », diffusé sur France 5 en juillet 2014.
Fines lunettes métalliques, œil vif et visage toujours poupon à 80 ans passés, le virologue se décrivait comme un « marginal » en blouse blanche malgré ses lauriers internationaux, avec le prix Nobel attribué en 2008 pour une découverte réalisée un quart de siècle plus tôt.
Quelques années plus tard, pour le 30e anniversaire de sa découverte, le Pr Montagnier dressait pour l'AFP un bilan mitigé de cette épopée : « On n'a pas réussi à éradiquer l'épidémie ou même l'infection puisqu'on ne sait pas guérir quelqu'un qui est infecté. » Les médicaments antirétroviraux permettent en effet de museler efficacement le VIH mais pas de l'éliminer totalement du corps des personnes infectées.
Après avoir dirigé de 1991 à 1997 un département Sida et rétrovirus à Pasteur puis enseigné au Queens College de New York jusqu'en 2001, le Pr Montagnier prend les chemins de traverse de la recherche scientifique et se met progressivement au ban de la communauté scientifique.
Il défend la « piste microbienne », pourtant sujette à caution, pour expliquer l'autisme. Il reprend la thèse unanimement rejetée du chercheur français Jacques Benveniste selon laquelle l'eau conserverait l'empreinte (la « mémoire ») de substances qui ne s'y trouvent plus. Il soutient des théories sur l'émission d'ondes électromagnétiques par l'ADN, promeut la papaye comme remède à certaines maladies.
Ses prises de position répétées contre les vaccins lui valent en novembre 2017 la condamnation cinglante et officielle de 106 membres des Académies des sciences et de médecine. Durant la pandémie de Covid-19, il s'illustre encore, affirmant que le virus SARS-CoV-2 a été manipulé en laboratoire avec l'ajout de « séquences, notamment, du VIH » et que les vaccins sont responsables de l'apparition des variants. Ces thèses, combattues par les virologues et épidémiologistes, ont jeté un peu plus le discrédit sur un scientifique devenu un « paria » parmi ses pairs.