Le 15 juillet 2019, Marc Jautard est le premier pharmacien* du Lot-et-Garonne à se doter d’une cabine de téléconsultation, installée dans sa petite officine de Meilhan-sur-Garonne (1 300 habitants). Un an après, il a rendu son équipement et tourné la page. « En un an, j’ai fait 29 téléconsultations, explique-t-il. Et encore, plus de la moitié étaient pour des vacanciers. Les gens d’ici veulent quelqu’un qui leur tâte le pouls, les ausculte… pas une interface. Je crois que ce service n’est pas adapté à la mentalité des patients ruraux. Au moins, à ceux de Meilhan… Je ne peux pas dépenser 10 000 euros** par an pour cela. »
Dans ce bourg sans généraliste, les objectifs de Marc Jautard étaient pourtant modestes : proposer une alternative aux patients chroniques dont le médecin est en congés, sécuriser sa délivrance par un avis médical face aux urgences. Des téléconsultations qu’il proposait pourtant gratuitement… Rien n’y a fait : « Ce service n’est pas entré dans les mœurs rurales, constate-t-il. Mon initiative était sans doute prématurée… De plus, les gens qui sont attirés par les téléconsultations préfèrent les réaliser chez eux, sans intermédiaire, sur leur smartphone ou leur ordinateur. Je crois au développement de ces téléconsultations, je pense même que d’ici à 5 ans, on n’ira plus chez un médecin sans passer par une téléconsultation. Mais pas en officine. » Aux confrères qui veulent tenter l’aventure, il conseille : « Faites attention quand vous négociez l’installation de ces cabines, ne vous laissez pas trop enchaîner. J’ai exigé un contrat d’un an et non quatre comme proposait Tessan. »
Benoit Jouzier, pharmacien à Saint-Médard-de-Guizières (Gironde) a signé un abonnement similaire pour… 5 ans. « Je me suis engagé avec Tessan en juillet 2019, mais la cabine n’a pu être livrée qu’en février dernier. Je suis très content du matériel qui est très qualitatif. » Malheureusement, il n’a réalisé depuis que 21 téléconsultations dans son officine qui accueille 250 clients/jour : « Nous ne les proposons sans doute pas assez, nous renvoyons trop souvent vers les médecins même s’ils sont débordés… nous avons peu communiqué et la cabine n’est pas assez visible dans l’officine, explique-t-il. Nous avons donc notre part de responsabilité dans ce qu’il faut bien appeler un échec. Je suis déçu de voir que ça ne prend pas, d’autant que les patients qui l’ont utilisée sont bluffés par sa qualité. »
Une cabine pour l’image
Le confinement n’a rien changé. Pire, il a contribué à orienter vers les grandes plateformes de téléconsultation : « C’est malheureusement un détournement des patients vers des services « light » car sans possibilité de diagnostic réel pour les médecins, indique Benoit Jouzier. C'est pourquoi les solutions en officine sont indispensables, même si je ne crois plus à leur rentabilité (en fait, je n'y croyais pas au départ). Nous faisons payer 10 euros l’accès à la cabine ; il faudrait 5 téléconsultations par jour, un peu moins si on compte les médicaments délivrés… Nous en sommes loin. Ma « chance », si j’ose dire, fut le départ d’un de mes adjoints que je n’arrive pas à remplacer. L’économie d’un an de salaire d’adjoint, nous permet de financer 5 ans de cabine de téléconsultation. Car je demeure favorable à ce service en officine. Même non rentable, il permet de dépanner le patient et de conforter le pharmacien dans son image de professionnel de santé. »
* Voir le « Quotidien du pharmacien » du 14 octobre 2019.
** Abonnement de 700 € HT/mois auprès de Tessan.