Ils ont, disent-ils, inventé un nouveau métier. Qui, finalement, renoue avec l’essence de leur profession, où le terroir, les plantes locales, leur permettent aujourd’hui de créer huiles essentielles, eaux florales et autres tisanes.
Maxime Chaslot, originaire de Lyon, et Lucie Pouché, native de Tarbes, se définissent aujourd’hui comme des « paysans pharmaciens ». Depuis 2021, dans leur ferme de deux hectares à Verteillac, dans le Périgord, ils récoltent une trentaine de plantes et de fleurs comme la lavande, le thym, la sarriette, la mauve, le bleuet ou l'hélichryse, pour les distiller et créer des produits estampillés « les trésors de Galien » qu’ils vendent dans des pharmacies de Dordogne.
Maxime et Lucie se sont rencontrés durant leurs études à Limoges au sein du laboratoire de toxicologie. Durant six ans, ils effectuent des recherches en pharmacologie et toxicologie avant de travailler dans l’industrie pharmaceutique en Suisse pour elle, dans le service de pharmaco-toxicologie du CHU de Marseille pour lui.
« Nous avons réalisé que nous voulions faire autre chose que de la recherche tournée vers la bio-informatique. En clair, j’aimais les choses manuelles et je me retrouvais à modéliser des données biomédicales avec des outils informatiques. Je ne m’y retrouvais plus trop. Maxime, lui, est un agriculteur-né », avoue Lucie.
Circuit court
Ils décident de partir en voyage durant un an, traversent notamment l’Italie où ils rencontrent un herboriste. « Il nous a fait découvrir les plantes médicinales, leurs propriétés, ce que nous avions peu étudié durant notre cursus. »
Le temps que leur projet mûrisse, Lucie trouve un poste à Bordeaux durant deux ans en tant qu’assistante en pharmacologie, au CHU. Mais l’idée est bien ancrée dans leur esprit et ils se lancent dans un DU de phytothérapie et aromathérapie à Besançon, se tournent également vers une formation agricole au CFPPA de Montmorot, dans le Jura, avant de franchir le pas.
« Le plus souvent, les plantes médicinales qui sont utilisées en officine proviennent des pays de l’Est, d’Inde ou de Madagascar. Nous prônons plutôt un approvisionnement local et en circuit court afin d’assurer la traçabilité et la qualité des matières premières. Cela permet en outre de limiter le transport et de favoriser une agriculture respectueuse de l’environnement. »
C’est en Dordogne qu’ils ont décidé de s’installer pour la qualité de son terroir. « Les huiles essentielles de France métropolitaine sont majoritairement issues de plantes méditerranéennes. Or le sol calcaire du département est idéal. » Les deux pharmaciens, qui exercent encore en officine ponctuellement en effectuant des remplacements, développent une gamme de phyto-aromathérapie pour soigner les maux du quotidien après analyses chromatographiques en laboratoire. « Ce n’est pas obligatoire pour le statut « complément alimentaire », mais cela nous paraissait important. Notre projet est bien reçu par les pharmacies de Dordogne. Quatre pharmacien(ne)s nous ont tendu la main pour vendre nos produits. » Ils sont pour l’instant disponibles à Ribérac, Mareuil, Mussidan et Saint Astier. « On espère se développer en Dordogne, puis à Bordeaux et Limoges. En travaillant avec des producteurs locaux, alors que 70 % à 80 % des plantes achetées proviennent de l’importation, les pharmaciens, aussi, peuvent avoir un rôle important à jouer pour la préservation de l’environnement et le maintien d’une agriculture française. »
Une étude financée par le ministère de l’Agriculture à l’échelon national est en cours pour évaluer la mise en place d’une telle filière.