- Je voudrais ça s’il vous plaît. C’est le médicament à ma daronne, dit le jeune homme en tendant un papier froissé à Nicole Bertin.
Sans sourire ni regarder le garçon, la préparatrice prend l’ordonnance et commence à déchiffrer la prescription :
- Mais je ne vois pas d’amiodarone sur cette ordonnance ! C’est pour votre mère ?
- Oui, c’est comme j’ai dit, répond l’adolescent. Vous avez ce médicament ?
- Celui qui est écrit sur l’ordonnance, oui. Mais l’amiodarone n’est pas mentionnée. Je ne peux pas vous le délivrer comme ça.
Au comptoir d’à côté, Julien se retient de rire. Il finit par s’approcher de sa collègue pour mettre fin à ce quiproquo.
- Nicole, je crois que le jeune homme t’a dit que ce médicament était pour sa mère.
- C’est ça. C’est le médicament à ma daronne, soutient l’adolescent. Mais votre collègue elle me parle d’un truc que je comprends même pas ce qu’elle dit.
- Nicole, la daronne c’est la mère en langage jeune, murmure le pharmacien dans l’oreille de sa collègue.
- Donc pas d’amiodarone ? Tout s’explique.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, au lieu de râler comme d’habitude, Nicole Bertin se met à rire.
Julien reprend sa place pour accueillir un nouveau client.
- Bonjour Monsieur René. Comment allez-vous ?
- Ben si je suis là c’est que ça ne va pas, dit le bonhomme en retirant sa casquette.
Tout doucement, il ouvre sa sacoche et en sort un paquet d’ordonnances.
- Aujourd’hui il ne me faut que ce médicament et les gouttes pour mes yeux. Alainprost, comme je l’appelle.
Et l’homme se met à rire aux éclats.
Julien regarde la prescription sur laquelle il lit Monoprost.
- Vous ne le connaissez même pas si ça se trouve.
- Quand même, si. C’est un collyre pour soigner le glaucome.
L’homme rit de plus belle.
- Mais non pas le médicament ! Alain Prost, vous ne le connaissez pas ?
Au comptoir d’à côté, J-C vient en aide à son jeune associé, amusé par la situation :
- C’est un pilote de Formule 1. Un champion des années 80. Bon jeu de mots Monsieur René. J’adore.
Lorsqu’il retourne à sa place, le pharmacien sourit toujours mais la personne qui se tient face à lui le laisse sans voix.
- Comment allez-vous depuis la dernière fois, dit la femme de sa voix grave et suave (cf. épisode 128).
- Eh bien vous voyez, maintenant j’ai des lunettes adaptées à ma presbytie, balbutie J-C.
- Dommage, je me faisais un plaisir de vous prêter les miennes.
- Vous êtes en concert dans le coin ?
- Cher ami, j’ai fait mes adieux à la scène. Que voulez-vous, il faut savoir prendre sa retraite…
Monsieur René s’approche et s’adresse à J-C sans prêter attention à la femme blonde que le pharmacien est en train de servir.
- J’ai aussi mon médicament Sylvie Vartan, déclare l’homme fier de son jeu de mots en montrant sa boîte d’irbésartan.
La cliente se tourne alors vers lui et le regarde dans les yeux :
- Et ça vous chante des chansons ?
Monsieur René reste bouché bée lorsqu’il reconnaît la chanteuse.
- Monsieur René, je vous présente Madame Vartan, qui nous fait le plaisir de nous rendre visite de temps en temps, ajoute J-C.
- Allons, montrez-moi un peu ce médicament qui vous fait penser à moi ? Ah oui, il y a en effet une similitude entre nos noms. Le mien est plus facile à prononcer.
(À suivre…)