« Nous avons développé un projet pharmaceutique partagé, pensé et mis en œuvre par l’ensemble des pharmaciens hospitaliers du groupement hospitalier de territoire (GHT) 49, dans le Maine-et-Loire », explique Laurence Spiesser-Robelet, maître de conférences des universités et pharmacienne praticienne hospitalière au CHU d’Angers. Neuf établissements publics y participent, dont le CHU d’Angers. Le parcours « Partage GHT49 », en réseau avec les 234 officines du Maine-et-Loire a vu le jour en 2021, d’abord avec 35 pharmacies impliquées, puis, dès le mois de juin, avec l’ensemble des officines du département. L’objectif était de prendre en charge les patients âgés polymédiqués. Le projet a obtenu un financement de l’ARS des Pays-de-la-Loire sur fonds FIR pour 3 ans.
Relais des étudiants en pharmacie
« En pratique, nous avons organisé des réunions de proximité pour que pharmaciens hospitaliers et pharmaciens d’officine se rencontrent, complète Jean-Louis Laffilhe, pharmacien d’officine et coordonnateur du projet. Nous avons ensuite formé tout le monde à l’outil numérique. »
L’expérimentation a commencé pendant le Covid. « Heureusement que nous avons eu le relais des étudiants en pharmacie pour s’impliquer dans cette activité, cela nous a beaucoup aidés », souligne-t-il. Un accompagnement individuel a été proposé pour les officines à partir du moment où un patient était inclus.
Le dispositif comprend plusieurs étapes. Lorsqu’un patient est hospitalisé, le pharmacien hospitalier effectue un bilan médicamenteux et pour cela il sollicite le pharmacien d’officine pour récupérer l’ordonnance via la plateforme sécurisée. Au cours du séjour hospitalier, les équipes pharmaceutiques réalisent l’optimisation de la prescription du patient. Ensuite, ils préparent la sortie d’hospitalisation avec une conciliation de sortie. Ils rédigent un document avec l’ensemble des traitements du patient, tout ce qui a été modifié avec la justification de l’ensemble des modifications. Le bilan est transmis au pharmacien d’officine et aux professionnels de santé libéraux, en particulier le médecin traitant.
53,1 % des patients avec une erreur de prescription à l’entrée
« Cela permet au pharmacien d’officine d’adapter sa dispensation en sortie d’hospitalisation en fonction des éléments reçus. Nous encourageons les officinaux à poursuivre la prise en charge individualisée du patient par un bilan partagé de médication. De plus, si le patient ne rentre pas à la maison et va dans un établissement d’aval, notre conciliation est transmise afin de faire son entrée », explique Jean-Louis Laffilhe.
Depuis 2001, 8 400 patients ont été inclus dans le dispositif au 30 septembre, 6 hôpitaux ont été impliqués et 215 officines ont participé au moins une fois sur les 234 du département. 1 853 conciliations d’entrées ont été réalisées et 1 698 de sortie. 53,1 % des patients avaient au moins une divergence non intentionnelle (DNI) sur leur prescription en entrée, avec en moyenne, 2,1 DNI par patient. À la sortie, 37,2 % des patients avaient au moins une erreur médicamenteuse, soit en moyenne 1,5 DNI par patient. À l’entrée, il s’agissait à 50 % d’oublis de traitements et pour 25 % d’erreurs de posologie. Les classes les plus concernées étaient pour 33 % des traitements du système nerveux central, pour 25 % du système cardiovasculaire, et pour 16 % du système digestif et métabolique. « Les interventions ont permis d’éviter ces erreurs », souligne Laurence Spiesser-Robelet. Concernant la gravité, « il faut que l’on étaye nos chiffres, car toutes ces erreurs n’ont pas le même impact pour le patient. Sur le plan pharmaceutique, nous estimons que 50 % de ces erreurs sont significatives », s’alarme-t-elle.
Gain de temps et sécurité du patient
Pour Jean-Louis Laffilhe, le bilan de conciliation a plusieurs avantages. « Il fait gagner beaucoup de temps en sortie d’hospitalisation, sécurise le suivi des patients et c’est un outil de formation des pharmaciens d’officine. » Pour l’instant, les freins sont le rapport avec les médecins prescripteurs, mais aussi parfois un problème de compétence qui se pose, avec une nécessité de formation.
Les pharmaciens inclus dans le dispositif sont tous satisfaits, avec 90 % des pharmaciens hospitaliers et 100 % des officinaux qui pensent que cela permet une amélioration du lien ville-hôpital. 63 % des hospitaliers obtiennent les prescriptions dans la demi-journée
« Parmi nos perspectives, nous voulons produire des indicateurs d’efficience, de pertinence, mais aussi mesurer les bénéfices organisationnels et cliniques. Nous souhaitons aussi avoir une amélioration continue avec une extension à davantage d’établissements, plus de professionnels de santé impliqués. Enfin, nous voulons poursuivre le dispositif avec un financement pérenne et pourquoi pas une intégration dans un article 51 », conclut Laurence Spiesser-Robelet.