En reprenant à Sébastien Lefebvre la pharmacie du Pont-de-l’Hyères, le 1er juillet 2020, Romain Dubuc n’a pas seulement repris l'officine de Criel-sur-Mer (Seine-Maritime), il a aussi poursuivi les projets de son prédécesseur.
Le pharmacien et le maire de cette commune littorale de 2 900 habitants avaient décidé « d’envisager le futur » en matière de santé, dès 2018. En plus de la population de la commune, l’officine dessert des villages alentour, soit 4 000 habitants, et même des communes plus éloignées, 40 000 habitants, estime Romain Dubuc. La situation sanitaire de Criel n’était pas immédiatement préoccupante, avec trois généralistes, mais leur moyenne d’âge, 67 ans, imposait que les élus et les professionnels prévoient leur prochain départ à la retraite. D’autant qu’une conurbation voisine, à 5-6 km, connue sous l’appellation des Villes Sœurs, composée des communes d’Eu et du Tréport (Seine-Maritime), et Mers-les-Bains (Somme), est en voie de désertification médicale.
Une maison de santé pluridisciplinaire
Alain Trouessin, maire de Criel, et Sébastien Lefebvre, s’étaient donc attelés à la création d'un pôle libéral de santé ambulatoire (PLSA) pour la création d’une maison de santé pluridisciplinaire (MSP), et permettre la venue de jeunes médecins et un exercice coordonné des soins. L’étude de faisabilité a démarré en 2019, « pour montrer le besoin, explique Romain Dubuc, notamment d’une population vieillissante et du contexte local en matière de santé, du fait de la proximité des Villes Sœurs ».
Le Covid a fait traîner le projet mais, début octobre 2022, le permis de construire la MSP est déposé et le financement (1,2 million d’euros HT) quasi bouclé. L’appel d’offres devrait intervenir à l’issue du délai de recours contre le permis et l’ouverture de la maison de santé est prévue pour fin 2023.
La commune, porteuse du projet immobilier, a retenu le site de l’ancienne gendarmerie, en centre-ville, 150 m2 de locaux existants, auxquels s’ajouteront 350 autres m2 à construire.
« L’agence régionale de santé (ARS) nous a permis d’avancer, souligne le confrère. Deux jeunes médecins qui finissent leur internat en novembre prochain viendront travailler avec un des médecins déjà présents, qui a décidé de rester jusqu’à leur mise en place, puis rejoindront la MSP. Un des deux internes a aussi accepté de devenir maître de stage, pouvant ainsi recevoir des remplaçants. »
Un projet ambitieux
Autour de ces médecins, la MSP accueillera une kiné, une pédicure, une sage-femme, une diététicienne, deux infirmières. La société interprofessionnelle de soins ambulatoires (SISA), en cours de constitution pour remplacer l’association des professionnels de santé, a également prévu de recevoir des spécialistes, peut-être via des cabines de téléconsultation. Deux communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) sont d’ailleurs en formation, l’une à Dieppe (Seine-Maritime), à 22 km, et où se trouve un centre hospitalier, l’autre dite Albâtre-Vimeu, dans la Somme, à une quinzaine de kilomètres. L’ensemble devrait former un dispositif sanitaire local conforté.
L’association des professionnels, que préside Romain Dubuc, travaille par ailleurs à un projet territorial de santé autour des pathologies liées au vieillissement - l’isolement, le retour et le maintien à domicile -, ainsi que des prises en charge des maladies chroniques, diabète, surpoids, etc. Ce projet, déjà débattu, est au stade de l’écriture en vue d’être soumis à l’ARS.
« La volonté commune de réussir existait, observe le confrère, mais elle a été multipliée quand on a trouvé les deux internes. Le maire de Criel a été la locomotive de l'ensemble, mais l’envie de tous était là. L’interprofession c’est l’avenir du soin, sinon les patients seront abandonnés. Aujourd’hui, les internes sont attendus par la population ! »