Sept adhérents à la FCA (1) – coopératives et groupements coopératifs ou associés- ont décidé de créer fin novembre un collège spécifique à la pharmacie au sein de la Fédération du commerce associé. Ni ce choix, ni cette date ne sont fortuits. Dans cette tribune, ils reviennent sur les raisons qui ont motivé cette démarche.
La pharmacie française est à un tournant critique. Sous la pression de la financiarisation du secteur, de la désertification en santé et d’une perte d’attractivité préoccupante de la profession, un choix décisif s’impose : quel modèle économique choisir pour préserver l’avenir de nos officines, garantir l’indépendance du pharmacien et assurer un accès aux soins partout en France ?
Chaque année, 210 pharmacies ferment et 15 000 postes de pharmaciens et préparateurs restent vacants, un constat alarmant renforcé par la baisse continue du nombre de pharmacies depuis près de 10 ans, selon les chiffres de l’Ordre des Pharmaciens. Cette crise, partagée par tous les professionnels de santé, s’explique par une perte de sens du métier due par l’accroissement des charges administratives et la gestion incessante des pénuries de médicaments, qui mobilise en moyenne 6 h 40 par semaine des équipes à la recherche de solutions alternatives.
La financiarisation de l’officine ajoute une pression accrue : sous la contrainte des logiques capitalistiques de rentabilité immédiate, les pharmaciens perdent leur indépendance et une partie de leur liberté de jugement qui sont pourtant au cœur des piliers déontologiques de la profession, posés par le code de la santé publique. Un phénomène croissant qui compromet l’aspiration du pharmacien à toujours mieux servir le système de santé et l’accès des patients à des soins de qualité, et qui débouche par ailleurs sur des fermetures de petites officines jugées non rentables, notamment dans les territoires les plus ruraux.
Plus que jamais, cette situation appelle une réponse proactive et collective. Dans un contexte d’intérêt croissant des fonds d’investissement pour les officines, le modèle coopératif ou associé représente un rempart solide et éprouvé pour construire la pharmacie de demain : une pharmacie indépendante, de proximité, centrée sur les enjeux de santé publique et performante sur le plan commercial. Ce n’est pas qu’une structure économique, mais bien un choix de société qui déterminera l’avenir des soins de proximité pour les décennies à venir.
La force du collectif pour faire face aux défis de la pharmacie d’officine
En regroupant plus d’une pharmacie sur deux en France, le modèle coopératif ou associé est bien plus qu’une simple organisation économique. Ce sont des valeurs intangibles : l'indépendance des pharmaciens, une gouvernance démocratique et une redistribution permettant la réinjection des bénéfices dans le système de santé. Ce modèle a par ailleurs fait ses preuves à grande échelle dans d’autres secteurs : les coopératives françaises affichent une croissance de 15,5 % de leur chiffre d’affaires depuis deux ans et représentent 4,8 % de l’emploi salarié en France, confirmant leur impact significatif sur l’économie locale (2). Contrairement aux logiques court-termistes des investisseurs privés, chaque euro généré dans une coopérative sert directement les intérêts des patients et du système de santé dans une approche vertueuse
Le modèle coopératif ou associé est également adapté au maintien des officines en zones rurales, là où la rentabilité limitée freine et démotive les capitaux privés. Grâce à un réseau solidaire, les pharmaciens conservent leur liberté entrepreneuriale, innovent et s’adaptent aux nouveaux besoins de santé publique, tout en restant proches de leurs patients.
« Le Collège des Pharmacies » : un nouveau levier pour soutenir l’indépendance des officines
Depuis la crise sanitaire, dans un contexte de désertification médicale et de partage croissant de compétences entre praticiens, les pharmaciens, professionnels de santé de proximité au plus près des Français, sont devenus essentiels dans le parcours de santé. L’élargissement de leurs missions, comme la vaccination et le dépistage, les place désormais au cœur du système de soins. Il est donc indispensable que les pharmaciens disposent d'un modèle adapté aux défis actuels, alliant indépendance, solidarité, éthique et esprit d’entreprise. Ce modèle, c’est celui de la coopérative de pharmaciens.
La création du collège des pharmacies adhérentes de la Fédération du Commerce Coopératif et Associé (FCA) marque ainsi un pas supplémentaire dans la défense du modèle coopératif ou associé. Ce collège soutient l’indépendance des officines, promeut une gouvernance démocratique et réaffirme l’engagement pour un système de santé centré sur l’humain.
Les pharmaciens comme les pouvoirs publics doivent désormais prendre la mesure de l’urgence et de la nécessité de s’engager pour ce modèle qui a déjà fait ses preuves. Il ne s’agit pas seulement de protéger la profession de pharmacien, mais aussi de préserver notre système de santé de proximité. Défendre l’indépendance des pharmacies, c’est aussi défendre un modèle de santé où l'humain prime sur les intérêts financiers. Le modèle coopératif ou associé est la clé d’une pharmacie libérale, indépendante et performante, capable de répondre aux besoins de tous, partout en France. En l’adoptant, nous faisons le choix d’un avenir plus solidaire et durable pour notre santé collective.
(1) Astera, Elsie, Giphar, Giropharm, Totum, Cap pharma et Welcoop
(2) Panorama des entreprises coopératives, édition 2024. Les Entreprises Coopératives