Les facteurs qui intéressent l’administration fiscale
Les motifs qui amènent le fisc à s’intéresser à vous sont multiples et variés. Ils sont très hétérogènes et ne répondent à aucune règle particulière : des retards de paiement à répétition, en particulier de la TVA et de l’impôt sur les sociétés, des déclarations déposées régulièrement hors des délais, une marge et des résultats de la pharmacie en sinusoïde sans explication apparente, un contrôle Urssaf avec un fort redressement, une pharmacie sans cabinet comptable ou bien qui change de comptable tous les ans, une provision fiscale importante qui fait baisser le résultat de manière forte, un décalage entre un train de vie ou un patrimoine et les résultats de l’officine, une dénonciation d’un tiers (prise néanmoins avec beaucoup de précaution). L’origine du contrôle peut également résulter du fait que la pharmacie n’a jamais été contrôlée. L’administration fiscale utilise le regroupement d’informations émanant des banques, des organismes sociaux, des fournisseurs… Elle dispose de « bases de données » de plus en plus importantes, notamment grâce aux moyens informatiques, aux logiciels de plus en plus performants. Établir des liens, détecter des anomalies, des incohérences, est donc devenu plus simple.
Le contrôle sur pièces
C’est une des procédures existantes. Le contrôle sur pièces repose sur les éléments que l’administration a en sa possession, notamment les déclarations fiscales. Nous pourrions qualifier cette vérification de contrôle de cohérence. Vous êtes informé par courrier. Cette procédure est simple à mettre en œuvre puisqu’elle peut s’effectuer sans que le vérificateur ait à se déplacer. Il peut solliciter des éclaircissements et ses demandes peuvent aboutir à une rectification, c’est-à-dire un redressement, s’il conclut à des inexactitudes avérées ou des omissions. Vous devez répondre, avec l’aide de votre cabinet comptable, le plus précisément possible, avec tous les détails utiles pour que votre dossier soit régularisé au plus tôt. Ne négligez pas ce type de courrier, il ne s’agit pas d’une simple suggestion, mais d’une demande à prendre au sérieux. À l’issue de ce contrôle sur pièces, si l’administration fiscale est satisfaite par les documents et justificatifs reçus, le dossier est classé. En revanche, si les éléments fournis ont montré des irrégularités, un redressement peut être décidé. Dernier point, si l’administration n’est pas satisfaite, elle peut opter pour un contrôle fiscal plus approfondi avec une vérification de comptabilité.
La vérification de comptabilité
La deuxième procédure de contrôle consiste à vérifier sur place l’ensemble des éléments comptables de la pharmacie, comme la TVA, la déduction des charges, des amortissements, le détail des stocks, les périmés, les données du logiciel de gestion. Il faut remettre le fichier des écritures comptables FEC qui sera analysé par l’inspecteur ; il en tirera des conclusions et demandera les justificatifs des écritures et les pièces du logiciel comptable. Fournir les éléments demandés ne pose généralement pas de problème puisqu’ils sont dans la comptabilité. L’administration vérifie les documents expliquant les encaissements et les décaissements à partir, notamment, des relevés de comptes. Elle établit une balance de trésorerie qui pourra démontrer, si tel est le cas, des incohérences entre les revenus déclarés, les dépenses, l’épargne.
Il faut savoir que des examens peuvent également être effectués sur les comptes mixtes, à savoir ceux utilisés pour des besoins privés et pour des motifs professionnels. Il peut y avoir un redressement sur les bénéfices professionnels du contribuable si la vérification des comptes mixtes fait apparaître une insuffisance de déclaration.
Par ailleurs, la vérification de la comptabilité d’une pharmacie peut s’accompagner d’un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle (ESFP). C’est un contrôle complémentaire mais distinct qui regroupe des informations déclarées par le contribuable à titre personnel pour apprécier la cohérence des éléments fournis. L’ESFP intervient quand des anomalies significatives sont observées ou si une vérification de comptabilité se passe mal. L’administration fiscale va chercher à savoir si tous les revenus ont bien été déclarés et s’ils correspondent bien au train de vie du titulaire. La durée de l’ESFP est limitée à un an par la loi.
Négocier, contester un éventuel redressement
Les procédures de contrôle sont strictement encadrées par la loi. Une proposition de rectification doit toujours être motivée pour que le pharmacien puisse faire valoir ses observations, accepte ou pas la rectification. La notification doit comporter les références des textes sur lesquels elle s’appuie, le nom, le grade et la signature de l’agent dont elle émane.
À l’issue des études de tous les éléments comptables, il en résulte donc une absence de redressement ou a contrario une proposition de redressement. Dans ce cas, le titulaire peut adresser une réponse à l’administration fiscale et solliciter un rendez-vous pour présenter ses arguments de vive voix. Le pharmacien peut exprimer son accord ou son désaccord. Il faut savoir que des garanties et des droits sont accordés au contribuable qui dispose d’actions et de textes lui permettant de défendre ses intérêts. La contestation est toujours possible mais cela suppose de bons arguments ou une position du fisc mal étayée. Parfois, cela suppose également de pouvoir faire réciproquement des concessions comme dans une négociation. Qui plus est, l’inspecteur a un supérieur hiérarchique auquel il rend des comptes et qui supervise son travail.
S’il n’y a aucun moyen de se faire entendre, si votre conseil estime que le montant du redressement est contestable, vous pouvez demander la saisine de la commission administrative des impôts qui est compétente en la matière. Vous êtes en droit de vous engager dans les voies de recours habituelles mais il est nécessaire d’être accompagné de son cabinet comptable et d’un avocat fiscaliste dans la mesure du possible. Avant d’entrer dans la procédure contentieuse devant les tribunaux, mieux vaut être sûr de vos arguments, vous armer de patience et prévoir des frais importants, sans oublier la durée de cette procédure.
Article écrit en collaboration avec Philippe Becker, expert-comptable, directeur du département pharmacie de Fiducial.

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