« Peut-on apporter notre mot de pharmacien pour éviter l’hospitalisation ? », s’interroge Pierre Villedieu, pharmacien à Bayeux (Calvados), co-président de l’association Hospipharm. Cette association, créée avec l’hôpital de Bayeux, compte cinquante pharmaciens d’officine, qui ont pour principal objectif de favoriser le maintien à domicile. Trente-cinq de ses adhérents, installés dans le Bessin et le Pré-Bocage, en Normandie, se sont engagés dans un plan « antichute » d’une durée de trois ans, et dont l’action sera évaluée dès le second trimestre 2024. « Les personnes qui chutent sont souvent âgées, souvent polymédicamentées », poursuit le titulaire. L’hiver dernier (2022-23), la difficulté pour ces personnes-âgées a été accrue par le Covid et la grippe, amenant l’État à un plan de prévention contre la chute des personnes âgées. Le but est de prévenir la chute, en utilisant l’expertise des pharmaciens en matière de médicaments – notamment pour les patients polymédicamentés- et de détecter ceux qui agissent sur le système nerveux central.
Défier les pièges de la maison
« Le risque important, c’est la nuit à la maison », reprend Pierre Villedieu. La prise de somnifères peut s’avérer d’autant plus problématique lorsqu’elle est associée à des diurétiques. Les personnes vont prendre des risques en se levant pour aller aux toilettes. Aussi, la seule lecture de l’ordonnance permet au pharmacien de déterminer les personnes à risques. Il leur est alors proposé un entretien, un petit test de marche, pour mesurer leur équilibre. « Marcher quelques pas, s’asseoir trois minutes sur une chaise sans accoudoir, puis se lever : le changement de position est un moment à risque, il faut regarder la rapidité de mise en action. Plus le temps est long, plus la personne est à risques. » Le pharmacien fait ensuite un audit des différentes pièces à vivre, avec le patient, ou avec un aidant, conjoint ou aide à domicile, une visite sur place étant prévue. « Nous sommes des professionnels de santé, poursuit le confrère, on explique qu’un médicament peut entraîner une chute. On ne laisse pas le choix au patient, on explique les effets secondaires, nous avons une certaine autorité. Vivre seul ou en couple ne change pas le risque : une chute peut ne pas être trop grave, mais le risque est de rester au sol trop longtemps et d’être alors en hypothermie ce qui peut se révéler fatal pour certains. » Pierre Villedieu cite les « pièges » de la maison : le tapis au pied du lit, la petite marche à franchir... L’entretien prévoit aussi d’évoquer le recours à une téléalarme et son utilité. « Elle répond en partie au problème de la personne au sol, mais beaucoup ne ressentent pas la nécessité de la porter, et peu le font ». « Certains patients sont tout de suite réceptifs à ce que nous leur disons, ou bien leur aidant se fait du souci, et écoute. D’autres nous disent : ça va… Je vais bien. Nous insistons, ils se souviendront de notre échange ». « S’il y a une possibilité qu’une personne vive mieux avec son traitement, tout est bon à entreprendre », affirme le responsable d’Hospipharm.