Depuis cinq minutes, Marion attend au téléphone ; elle tente de joindre le médecin traitant de Madame Grondin. Cette patiente diabétique s'est présentée à la pharmacie avec une ulcération très avancée au niveau du pied (cf. Épisode 150). La pharmacienne veut amorcer la prise en charge, d'autant plus que Madame Grondin ne semble pas très consciente de la gravité de la situation.
- Bonjour Madame, Marion La Villedieu, pharmacienne à la Pharmacie du Marché. Je vous appelle concernant Madame Grondin Thérèse. Elle est suivie par le docteur Esteban. Est-il possible de me le passer s'il vous plaît ?
- Le Docteur Esteban est en consultation. Qu'est-ce qu'elle veut Madame Grondin ?
Marion reste calme, malgré l'accueil désagréable de la secrétaire médicale et son ton dédaigneux.
- Nous avons constaté une lésion sévère à son pied, qui mérite une prise en charge rapide. Je voulais en informer le médecin, répond l'adjointe sans trop en dévoiler.
- Vous lui faites un pansement et elle prend rendez-vous la semaine prochaine.
- Vous ne comprenez pas Madame, je…
- Patientez s'il vous plaît. Je prends un autre appel.
Marion est habituée au comportement des secrétaires médicales : elles ont pour consigne de faire barrage afin de ne pas déranger les médecins. Elle regrette cependant que l'accès entre professionnels de santé soit si compliqué. Arrivant près d'elle, Jean-Paul lui demande :
- Tu es au téléphone avec le cabinet médical du docteur Esteban il paraît ? Tu pourras me les passer quand tu auras fini ?
- La secrétaire n'est pas facile…
- Les secrétaires médicales, tout un roman ! Je suis persuadé qu'on les forme à être hargneuses. Ce qui m'énerve le plus, c'est quand elles nous donnent des conseils médicaux. Quand je pense que notre nouvelle ministre a commencé par ce métier. Rien que pour ça, elle m'énerve déjà, répond l'adjoint en s'appuyant contre l'étagère de pansements.
- Il y a du monde devant ?, demande Marion à Christèle.
- Non, personne n'attend. Je sers Columbo, répond la préparatrice en rigolant.
Marion ne comprend pas.
- Columbo, c'est Monsieur Margeot. Quand tu le serviras, tu sauras pourquoi on le surnomme ainsi, explique Nicole Bertin.
- Allô ? Pour Madame Grondin, de toute façon il n'y a pas de créneau aujourd'hui, reprend la secrétaire médicale sans chercher à comprendre la demande de Marion.
- Dans ce cas, je l'envoie aux urgences. Sa blessure au pied ne peut pas attendre. J'enverrai un message au Docteur Esteban par messagerie sécurisée.
- Par fax, ce sera plus simple. Nous n'utilisons pas la messagerie sécurisée.
Marion ouvre la bouche pour répondre mais se retient finalement :
- Je vous passe mon collègue. Il a un autre dossier à voir avec vous.
Tandis que Jean-Paul prend le relais au téléphone, Christèle invite Marion à venir près d'elle pour faire la connaissance de « Columbo ».
- Monsieur Margeot, vous aviez une question concernant un de vos traitements ? Je vous laisse voir avec ma collègue Marion, elle est pharmacienne.
- Bonjour Madame. Vous voyez, j'ai ce médicament et cet autre médicament chez moi. Et je ne sais pas s'ils s'ajoutent ou si l'un remplace l'autre. Ma femme m'a dit de venir vous en parler. Elle est toujours de bon conseil ma femme, dit l'homme en se grattant le front.
Marion comprend aussitôt l'allusion à Columbo. Après avoir écouté les explications de la pharmacienne, Monsieur Margeot la remercie :
- Ravi de vous avoir rencontrée Madame. Il faudra que je raconte cela à ma femme.
Du fond du back-office, on entend Jean-Paul hurler :
- Et moi je veux parler au médecin parce que ce médicament est en rupture, et que nous devons trouver une solution pour notre patient !
(À suivre…)