Même si l’efficacité des masques a mis un certain temps à être acceptée par quelques-uns de nos responsables, puis par une large majorité de nos concitoyens, ce type de protection vis-à-vis du coronavirus reste contesté par un noyau d’irréductibles. Empêcher la propagation virale en respectant les gestes barrières, dont le port de masques, paraît relever pour beaucoup d’entre nous du pur « bon sens ». Mais en quoi ces conseils viendraient commencer à entamer « nos libertés », au risque de se faire manipuler, puisqu’ils visent le maintien de la bonne santé de l'ensemble de la population et la réduction maximale de nos dépenses publiques ?
Cette possibilité de refus de suivre des consignes élémentaires peut faire évoquer la liberté de prescription que s’arroge un certain nombre de médecins. Les diatribes auxquelles nous avons assisté en début de crise sanitaire au sujet de l’hydroxychloroquine démontrent bien qu’un bon nombre de prescripteurs ne s’embarrasse pas de validations scientifiques nécessaires et semble détaché de toutes recommandations délivrées par des instances autorisées. Même si certaines études pharmacologiques et cliniques laissaient pressentir une possible efficacité de cette molécule, même si certains médecins l'ont prescrit à titre compassionnel, est-il possible de se donner le droit, sans débat collégial préalable, d’outrepasser le principe éthique basique primum non nocere ?
Autre affaire qui ressemble à la précédente : des « prescriptions dangereuses » dénoncées par l’auteur du Livre noir de l’autisme [1] : antibiotiques, anti-infectieux, antiparasitaires, naltrexone et autres médicaments hors AMM pris au long cours… Outre l’absence de recherches sérieuses et le manque de formation des soignants dans ce domaine en France, comment se fait-il que des réseaux de médecins et de pharmaciens « amis » continuent de recruter des parents désespérés en dehors de tout respect des codes déontologiques pour prescrire et délivrer de tels médicaments en toute impunité ?
D’un côté, résistance instinctive à toute contrainte, de l’autre, utilisation de molécules et de protocoles « alternatifs » en dehors de toute preuve scientifique avérée. Au cours de ces différentes attitudes, la liberté est bien revendiquée sans complexe, mais elle est déconnectée de toute responsabilité. « Sans autrui devant qui je réponds de mes actes, ma responsabilité est vide et ma liberté n’est qu’une solitude » [2]. Grâce aux règles sociales de base et aux éthiques professionnelles qui demandent de répondre de nos actes devant autrui, il est sûr qu’en les suivant, toute référence égocentrique est exclue, tout enfermement sur soi est banni. Alors que quelques-uns s'autorisent à manipuler « leur liberté » à leur guise, nos principes de vie en société laissent entendre que la liberté de tous commence quand chacun se sent responsable de lui-même et des autres. Ainsi ma liberté est directement conditionnée par ma prise de responsabilité : autrui n'est ni absent, ni limite de ma liberté, il est tout simplement condition de ma liberté.
[1] « La liberté de prescription a des limites » par A. Marques, revue Egora du 24-09-2020.
[2] In Le paradoxe du bonheur, de B. Ibal, Ed. Salvator.