Une femme s'avance près du comptoir d'accueil. Soutenue par deux hommes portant encore leur masque, elle tient contre son front un pansement de fortune.
- Vous pouvez nous aider s'il vous plaît ? demande l'un des compagnons à Gisèle.
- Bien sûr, je vous appelle tout de suite quelqu'un.
À l'aide de son casque téléphonique, Gisèle demande à J-C de venir tout de suite. Quand le pharmacien arrive, il découvre la femme gémissant de douleur.
- Qu'est-ce qui est arrivé ? dit-il sans saluer les deux hommes.
- On était à la manif. Ils nous ont aspergés de gaz et Marine s'est pris un projectile dans la gueule, répond le plus petit.
- Suivez-moi, soupire J-C, légèrement contrarié.
À peine entré dans la salle Pasteur, il les laisse en plan pour avertir son associée de la situation.
- Je pense qu'on va transformer la pharmacie en poste de secours cet après-midi, dit le pharmacien en faisant irruption dans le bureau. Tu es au courant de la manif ? Eh bien ça semble bastonner dur là-bas. On a déjà une blessée sur les bras… Ce qui m'embête surtout, c'est l'image que renvoient ces gens. Tu verrais leur accoutrement : de vrais anarchistes ! Pas sûr que notre clientèle apprécie…
- J-C, pas ce discours je t'en prie. Nous sommes une pharmacie. Point. Pas une pharmacie pour les bourgeois, ni une pharmacie pour les paumés. Une pharmacie, ça doit accueillir tout le monde…
J-C repart en grommelant. Dans la salle Pasteur, il regarde la blessure de la jeune fille. Lorsqu'il découvre son visage, il se demande si elle est majeure. Il pense à sa fille, Camille, qui à son grand désespoir, avait pris part aux manifestations antivaccins l'année dernière (épisode 116).
- C'est superficiel. Je vais vous faire un pansement mais il faudra surveiller. Vous avez perdu connaissance ?
- Non, je crois pas. Je peux y aller ?
- Où ?
- Ben, avec les copains. On va pas se laisser faire, je vous le garantis.
- Ce n'est pas très raisonnable…
- Ce qui n'est pas raisonnable, c'est ce qu'ils nous imposent et qu'on devrait accepter sans rien dire…
- Calme-toi Marine, réplique son ami. Le pharmacien n'y est pour rien. Vous avez pas un truc pour les yeux ? Leur saloperie de gaz, ça pique…
Lorsque Marine et ses copains sortent de la salle Pasteur, ils se retrouvent face à face avec trois gendarmes. Ces derniers, surpris, se mettent aussitôt en position de défense. L'un des gendarmes est blessé à la main.
- Qu'est-ce que vous faites là !, commence à hurler l'un des compagnons de la jeune manifestante.
- Vous pouvez nous présenter vos papiers s'il vous plaît ?
La jeune manifestante fait un doigt d'honneur au gendarme, lequel commence à s'approcher, menaçant.
J-C décide de s'interposer.
- On se calme, on se calme. Ici c'est une pharmacie, on soigne, on prend en charge. Monsieur, vous êtes blessé, nous allons tout de suite vous soigner. Vous, Mademoiselle, vous pouvez partir. C'est un lieu de soin ici.
À la fois terrorisés et curieux, les autres clients de la pharmacie se sont approchés pour voir la scène. Karine les disperse. Kenza indique aux gendarmes de la suivre dans la salle de soin, tandis que J-C raccompagne les trois manifestants à la sortie.
(À suivre…)