- Tout va bien à la pharmacie ?, demande Karine assise dans le bureau de son amie Marie-Agnès.
À l'autre bout du fil, J-C commence à raconter les dernières histoires de la Pharmacie du Marché :
- Emmanuel nous a encore fait un éclat syndical. Il a distribué un papier expliquant pourquoi la proposition des syndicats patronaux était inacceptable…
- Pourquoi ? Il y a eu de nouvelles discussions pour l'augmentation des salaires ?
- Oui, c'est ça. Et les syndicats de salariés ont claqué la porte avant la fin des négociations. Bref, notre militant est tout excité. Il est quelle heure en Guadeloupe ?
Karine regarde sa montre :
- 10 heures. Des nouvelles de Monsieur André ?
- Pas depuis une semaine… Sinon, la routine : des rejets, des tests antigéniques, des ruptures de stock, et des fausses ordonnances. J'en ai intercepté une hier ! Je ne pense pas que le gars revienne chez nous.
Marie-Agnès arrive dans le bureau et fait un petit signe à son amie, lui indiquant qu'elle est prête.
- J-C, je te laisse. J'accompagne Marie-Agnès chez un patient.
- Qu'est-ce que tu as fait de ton mari et de ton fils ?
- Ils sont partis faire de la plongée, mais ça ne me disait rien. On se retrouve pour déjeuner tout à l'heure. À plus.
- Tu n'arrives jamais à décrocher toi non plus, dit doucement Marie-Agnès avec son accent chaleureux.
- C'est plus fort que moi, j'ai besoin de tout savoir, même quand je ne suis pas là, répond Karine tout sourire. On va où ?
- Tout près du Moule, du côté de la maison Zevallos. Chez Monsieur Charles. Tu vas voir, c'est un phénomène ! Je lui rends visite régulièrement pour lui porter ses médicaments, mais aussi parce qu'il a un jardin merveilleux. Une vraie pharmacopée.
Dans la rue, alors que les deux amies se dirigent vers la voiture, Marie-Agnès rencontre un couple et ses enfants :
- Comment allez-vous ? L'installation se passe bien ?
- Mieux, depuis que vous nous avez soignés. Merci encore.
- Ils sont profs, et sont arrivés de métropole il y a deux mois. Les deux enfants ont été contaminés par le ver de chiens, raconte la pharmacienne du Moule à son amie après s'être éloignée de la famille.
- Le ver de chiens ?
- Oui, c'est un parasite de chez nous, un ankylostome. On en avait un peu parlé en cours de parasito, mais ça date. J'ai peut-être été plus sensible à ce cours parce que je savais que j'y serai confrontée en revenant m'installer ici. Le parasite peut se transmettre à l'homme par les excréments de chiens, qu'on retrouve malheureusement sur la plage. Ça entraîne des fortes démangeaisons sous la peau. Mais ça se soigne bien… Si c'est diagnostiqué ! Les gens qu'on vient de voir ont consulté un médecin qui ne connaissait pas cette parasitose, un médecin en téléconsultation.
Après quelques minutes de trajet pendant lesquelles Marie-Agnès dénonce les grandes difficultés d'accès aux soins en Guadeloupe, elles arrivent chez Monsieur Charles. Le jardin est effectivement magnifique et Karine a très envie de le visiter.
- Je ne t'ai pas dit. Monsieur Charles est amputé d'un pied. Un diabète mal soigné… Malheureusement ici, l'adhésion au médicament n'est pas toujours simple.
Un homme est assis sur sa terrasse, chapeau sur la tête. Il creuse une calebasse pour s'en servir de récipient.
- Ma jolie pharmacienne ! Comment tu vas ?
- Très bien Monsieur Charles. Je vous présente Karine, mon amie de toujours, qui vient de métropole. Elle est pharmacienne aussi. Ça ne vous dérange pas ? Je voulais lui montrer votre jardin d'Éden. Mais avant cela, voici vos médicaments. L'insuline, à mettre au frais immédiatement.
Monsieur Charles est ravi de présenter la flore de son jardin : un arbuste aux feuilles cicatrisantes, un autre aux vertus sédatives. Karine goûte du tamarin cueilli directement dans l'arbre.
- Et celle-ci, tu la connais ? C'est Doliprane, parce qu'elle fait du bien au mal de tête. J'ai aussi Efferalgan. Pas de jaloux.
(À suivre…)