- Ça ne vaut pas une palme d’or, soupire Karine en refermant son ordinateur portable.
- C’est la pub de trop. Il n’aurait pas dû s’attaquer au paracétamol, répond Julien. C’est bien tourné, c’est de la bonne communication… mais le message est totalement déconnecté de la réalité.
- Quel cinéma ! Et ça fait des années que ça dure. Si Leclerc veut continuer à dépenser de l’argent pour des produits qu’il ne vendra jamais, qu’il le fasse !, ajoute la pharmacienne d’une voix lasse. Il arrive à quelle heure le comptable ?
- Nous avons rendez-vous à 13 h 00 avec Béber. Avant cela, je file en salle Pasteur. Les parents sont sensibles à la vaccination contre les méningocoques, on a beaucoup de demandes…
- Et c’est tellement plus pratique de se faire vacciner à la pharmacie. D’ailleurs j’ai vacciné mon fils ce week-end. Il n’était pas très partant, mais avec deux parents professionnels de santé, il n’a pas trop le choix. Et toi, comment se passe la grossesse de Juliette ? Elle est à six mois n’est-ce pas ?
- C’est ça, on débute le septième. Elle devrait lever le pied mais tu la connais. Elle se donne à 100 % dans son métier.
- J’étais pareil. Et j’ai très bien vécu ma grossesse. Tu vas pouvoir la vacciner contre la coqueluche, ajoute la pharmacienne en riant.
- Figure-toi qu’elle ne veut pas que je la vaccine. Elle préfère demander à son médecin. Allez, je file. À tout à l’heure.
Dans la salle Pasteur, Rose attend, assise près de sa mère.
- Bonjour Rose, dit Julien en refermant la porte derrière lui. Tu viens pour le vaccin contre le méningocoque c’est bien cela ?
Puis regardant la mère de l’adolescente, il ajoute :
- Vous avez le carnet de santé s’il vous plaît ? Si vous êtes d’accord, nous allons faire un point sur les autres vaccinations.
Le pharmacien feuillette les pages du carnet.
- Ça va aller, je ne suis plus une petite fille, dit soudain Rose à sa mère.
La mère prend la parole :
- Je veux quand même en informer le pharmacien. Rose a toujours eu beaucoup de mal à supporter les aiguilles.
- Maman, j’ai dix-sept ans maintenant.
- La dernière fois, je te rappelle qu’on a dû te tenir, avec ton père, pour que le médecin te fasse l’injection. Alors arrête ton cinéma, veux-tu ?
- Ah ! Vous préférez que ce soit le médecin habituel qui fasse la piqûre ?, intervient Julien.
- Non, pas elle, elle fait mal, s’empresse de répondre Rose.
- Eh bien je vois que la vaccination contre les HPV est à jour, DTP aussi. Parfait. Je te laisse relever ta manche Rose ?
Julien commence à reconstituer la solution. Lorsqu’il s’approche de Rose, il sent que l’adolescente se raidit.
- Tu es au lycée. Tu sais vers quelle filière tu t’orientes ?, dit le pharmacien pour faire diversion.
Sans répondre, Rose se lève brutalement et commence à faire le tour de la pièce, en respirant difficilement.
Le vaccin dans une main, Julien est décontenancé. La mère lève les yeux au ciel.
- C’est possible de faire le vaccin ailleurs qu’ici ? J’ai besoin d’air.
Le sourire aux lèvres, Julien l’invite à sortir. Sous le regard surpris de Gisèle, à l’accueil, le pharmacien emmène Rose et sa mère dans la vaste salle de repos. L’adolescente s’assoit sur le canapé et tourne son regard vers la fenêtre.
- Ça y est, c’est fait.
(À suivre…)