Vote ou pari

J'ai comme un doute : à écouter les électeurs qui s'expriment si souvent à la radio et à la télévision, j'en viens à me demander s'ils sont plus attachés à la personnalité qu'ils ont choisie qu'à son programme. Cris de joie ou de déception, rires ou larmes, folle exubérance ou effondrement psychique, leurs réactions me font davantage penser aux courses hippiques qu'à une élection. Je suis sommé régulièrement par mes maîtres en déontologie de ne jamais juger mes compatriotes pour leur orientation politique. Cela ne m'empêche pas d'entendre avec consternation des argumentations simplistes, d'assister à des crises de désespoir irrationnel, ou à des envolées lyriques qui annoncent de médiocres lendemains. Depuis vingt ans au moins, l'égoïsme lové dans le nationalisme, le cynisme si bien partagé entre candidats et électeurs, le triomphalisme verbal de ceux qui vont perdre à tout coup mais s'y entendent pour embraser leurs audiences me renvoie à Ubu-Roi plutôt qu'à la démocratie. Un homme, un pari. Perdant ou gagnant, le cheval, lui, continue sa course.