FALLAIT-IL s’équiper si vite ? Les pharmaciens ont depuis un an ou deux massivement remplacé leurs anciens lecteurs de code 1D par les nouveaux lecteurs de Code 2D, qui permettent de lire ces codes 2D, appelés encore codes Datamatrix, de la norme qui a été retenue pour cette technologie. Chez Alliadis par exemple, Olivier Zuntini, responsable intégration affirme que le parc de ces produits avoisine les 20 000 auprès des clients de l’éditeur. Motorola, l’un des grands fabricants de ces lecteurs depuis le rachat de la société Symbol, explique pour sa part que ces produits « représentent aujourd’hui la moitié des ventes alors qu’il y a seulement trois ans, leur part dans le chiffre d’affaires était de 10 % », selon David Raphaël, business développement manager au sein de la division Symbol Technologies du fabricant. Or, du côté de l’industrie et de la répartition pharmaceutique, on est loin d’être prêt. Ils auraient dû l’être le 1er janvier 2011, date de l’entrée en vigueur de la réglementation sur la traçabilité des médicaments. Mais devant les problèmes posés par l’introduction des codes 2D dans les différents process en jeu, les obligations liées à la vignette apposées aux médicaments et contenant ces codes, ont été retardées, pour une date ultérieure, 2013 ou 2014 selon les uns ou les autres.
Les difficultés pour le monde du médicament à intégrer la nouvelle norme 2D sont en effet importantes. « C’est notamment beaucoup plus lourd pour les répartiteurs que ce qui avait été imaginé » explique Franck Laugère, directeur général de CEPI Pharmavitale. « Cela demande des investissements importants en matériels et une réorganisation des plates-formes logistiques. » Du côté des laboratoires, la situation s’est améliorée, mais beaucoup se plaignent encore de la mauvaise qualité des codes 2D lus aujourd’hui en pharmacie. L’impression des codes 2D doit encore s’améliorer.
« Les derniers seront les premiers ».
Que ce retard rende applicable ou pas la législation sur la traçabilité des médicaments ne concerne pas les pharmaciens, puisqu’ils sont de toute façon hors du champ de l’application de la loi. Selon l’article R 5124-58 du code de la santé publique, cette obligation s’applique uniquement aux établissements pharmaceutiques, c’est-à-dire, les laboratoires, exploitants, répartiteurs… tous les acteurs de la chaîne du médicament en amont des pharmacies (qu’elles soient d’officine ou hospitalière). Un certain pragmatisme, ou un accord plus ou moins tacite à la fois du monde officinal et des éditeurs de logiciels, les invite à être cependant en mesure de lire ces codes. L’ANMS le recommande et les éditeurs s’interrogent du reste sur l’avenir de cette absence d’obligation. « On dit aujourd’hui que cela s’arrête à la pharmacie, mais est-ce que cela va durer ? » demande Olivier Zuntini. Pragmatisme, soit. Mais fallait-il pour autant aller plus vite que la musique ? En effet, si les industries pharmaceutiques patinent, la technologie, elle, avance, et l’on en est déjà à la troisième génération de lecteurs 2D. Et selon les acteurs du marché, seule la dernière génération, en fait les produits qui sont sur le marché depuis cette année seulement, répondent vraiment aux besoins des pharmaciens. Cela signifie que ceux qui se sont équipés avant 2012 ont des produits déjà obsolètes. « Les derniers seront les premiers » observe bibliquement Xavier Richard, gérant de Solupharma. Certes, les lecteurs 1D sont de plus en plus à bout de souffle, et le renouvellement naturel de ce type de matériels a conduit les pharmaciens à s’équiper peut-être plus vite qu’il n’aurait fallu.
Une lecture plus agressive.
Les lecteurs 2D sont en effet bien différents des lecteurs qui les précédaient, les 1D. Ces codes Datamatrix contiennent un nombre très supérieur de données et pour la chaîne du médicament, intègrent outre les informations classiques relatives aux prix, celles également aux numéros de lot et à la date de péremption des produits. Pour lire toutes ces données, il a fallu abandonner la traditionnelle technologie laser pour une autre, optique. « C’est une technologie qui prend une photo du code, lequel est ensuite décodé numériquement » explique Franck Laugère. « Il faut une distance spécifique pour que cela soit bien lu » ajoute-t-il cependant. « C’est une lecture assez différente, qui nécessite parfois une petite adaptation » estime pour sa part Ghislain Vanlaer, gérant de Medprice. Alors que les lecteurs 1D ne posaient guère de problème de ce point de vue, il a fallu améliorer les capacités de lecture des lecteurs de codes Datamatrix. Ce qu’on appelle « l’agressivité » de lecture de ces produits semble, de l’avis des acteurs du marché, être désormais à peu près conforme aux attentes des pharmaciens. Même si aujourd’hui un petit pourcentage des codes 2D sont encore difficiles, voire impossibles à lire. « Certains codes sont sur des fonds de couleurs plus ou moins abîmés, avec des contrastes différents, cela joue sur la qualité de lecture, tout autant que la présence de lumière ou non dans les officines » explique Jérôme Lapray, responsable marketing de Pharmagest.
La plupart des acteurs du marché proposent deux types de produits, ceux destinés aux comptoirs, et ceux destinés à la réception des commandes en back-office. Concernant la première catégorie, l’offre se compose elle-même de deux formats proches de ce que connaissent les pharmaciens avec les lecteurs 1D, soit un format « boîte d’allumette » qui s’intègre discrètement aux comptoirs, soit un format sur un pied qui se pose directement sur les comptoirs. Le choix dépend alors des habitudes des uns et des autres. Quant à ceux qui se trouvent en back-office, ils sont plus complets, et ressemblent plus à des terminaux ou des PDA dotés d’informatique pour transmettre des données au système d’information de l’officine. Autonomes souvent, sous forme de douchettes par exemple, ils permettent d’enregistrer les commandes qui arrivent mais aussi les inventaires. Et c’est finalement le seul avantage concret dont bénéficient les pharmacies avec les codes Datamatrix : une gestion plus fine des inventaires grâce aux données contenues dans les codes 2D sur les dates de péremption des médicaments. Des systèmes d’alerte soit contenus dans les matériels eux-mêmes, comme dans certains modèles de la gamme Motorola, soit proposés par les logiciels, permettent des inventaires plus précis, et d’éviter ainsi de perdre de l’argent faute d’avoir su identifier les produits périmés à temps.
Ces nouveaux lecteurs ne sont pas difficiles à installer. « Il y a une certaine croyance selon laquelle ces lecteurs sont très différents, mais en réalité, il n’y a même pas besoin de passer par des intégrateurs car le driver du lecteur s’installe automatiquement, du fait de la connectique USB utilisée » explique David Raphaël. « La seule petite adaptation à faire et d’ajouter une touche d’entrée pour lire les codes 1D, c’est un petit paramétrage. »
Des habitudes de travail bouleversées.
La vraie difficulté est ailleurs, dans les habitudes de travail qui sont déjà confrontées à un véritable bouleversement. Si l’on veut bien faire, il faut enregistrer les données contenues dans les codes 2D de chaque boîte. Or les pharmaciens ont pour usage, quand un patient se voit prescrire plusieurs boîtes d’un même médicament, de scanner la première et d’indiquer ensuite le nombre de boîtes prescrites. « Scanner l’ensemble des boîtes va leur faire perdre beaucoup de temps » estime ainsi David Derisbourg, responsable marketing Leo chez Isipharm. « Certes, les répartiteurs se sont engagés à faire en sorte que chaque livraison aura le même numéro de lot, mais de toute façon, les mélanges entre numéros seront inévitables dans l’officine même. » Faudra-t-il travailler en flux tendus pour éviter ce désagrément ? Les nouvelles capacités de lecture des lecteurs les plus récents facilitent les choses mais ne résolvent pas le problème.
Il reste également aux éditeurs la tâche d’adapter leur logiciel à l’arrivée massive de nouvelles informations qui de fait affecteront plusieurs aspects de la gestion informatique de l’officine. Peu sont prêts, CEPI Pharmavitale l’est. Le travail d’adaptation est lourd. Mais du moment que les pharmaciens n’ont pas d’obligation liée à la traçabilité des médicaments, il n’y a pas d’urgence, du moins tant que la chaîne en amont des officines ne sera pas prête. Rappelons que les éditeurs ont et ont eu au préalable à adapter leurs logiciels à la norme CIP 13, qui remplace l’ancienne norme d’authentification CIP 7, ce qui a nécessité un travail « énorme » selon Olivier Zuntini.
Quant aux produits disponibles sur le marché, outre la maturité nouvelle de la dernière génération de lecteurs 2D, les pharmaciens trouvent aussi suffisamment de marques pour faire leur choix. Les différents acteurs, éditeurs-intégrateurs et revendeurs ont fait des choix très différents, preuve d’une relative diversité. Solupharma par exemple, fait exclusivement confiance à la totalité de la gamme Motorola. Medprice, lui, commercialise toutes les marques à l’exclusion de Datalogic. Les éditeurs optent souvent pour un mix, combinant un modèle d’un fabricant et un autre modèle d’un concurrent. Les prix varient entre 200 et 300 euros pour les modèles de comptoir pour une enseigne comme Medprice. « On essaie d’avoir des prix inférieurs à 300 euros, car les pharmaciens les achètent parfois en grand nombre, une pharmacie avec dix comptoirs, cela fait un investissement de 2000 à 3 000 euros » justifie Ghislain Vanlaer. Les lecteurs destinés au back office sont plus chers car plus techniques, ils peuvent avoisiner les 1 000 euros.
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