À 8 h 30, le mardi 18 juin, Véronique Fages se gare sur un terrain surélevé et rejoint sa pharmacie, les pieds dans 20 centimètres d’eau. La titulaire est prévenue des risques. Comme beaucoup, elle pense que, au pire des cas, l’eau montera à 50 centimètres. Elle surélève tout dans son officine. « Mais deux heures après être arrivée, j’avais de l’eau jusqu’à la taille, je suis partie, j’ai pu reprendre ma voiture et rentrer chez moi. » À moins de 15 kilomètres de là, elle doit alors gérer son domicile, également touché par les eaux… Plus d’électricité, plus de télévision, les 400 habitants du village ont été évacués, plus de moyen de suivre ce qui s’y passe. Le lendemain après-midi, elle rejoint le village et découvre un théâtre de désolation. « C’est un village de boue, on s’enfonce de 50 centimètres en marchant. J’ai imaginé tellement pire que, finalement, je n’ai pas été trop impressionnée par ce que j’ai vu. Je pensais qu’il y aurait un trou à la place de la pharmacie. » Mais on n’en est pas loin : la vitrine a volé en éclat, la pharmacie est totalement vidée, il ne reste que de la boue qui ensevelit tout. La pharmacienne a tout perdu, ses stocks, son informatique, ses données…
Renaître de la boue.
Mais Véronique Fages n’est pas genre à se laisser abattre. La mairie lui a trouvé un local provisoire, un ancien appartement de fonction du collège, qui sera à côté du local provisoire accueillant les trois médecins du cabinet médical, également ravagé par la Garonne transformée en torrent. Elle attend le résultat de sa demande de transfert en urgence, en cours de traitement à l’agence régionale de santé (ARS) Midi-Pyrénées. « La licence provisoire devrait arriver assez rapidement. Il faudra faire avec les moyens du bord. J’ai récupéré mon serveur dans 50 centimètres de boue, je l’ai lavé, la société (d’informatique officinale) vient le chercher pour voir si des données sont récupérables… J’ai peu d’espoir, je repars sans historique, il faut maintenant renaître de la boue ! »
Pour le moment, Véronique Fages n’envisage l’avenir qu’à court terme, elle ne sait pas si elle reconstruira sa pharmacie, et, si oui, si cela se fera à son ancien emplacement. « Nous attendons le passage des experts, mais la Garonne est encore trop haute pour pouvoir évaluer l’état des fondations. »
Solidarité.
Le syndicat des pharmaciens de la Haute-Garonne sera là pour la soutenir. « Nous avons mobilisé tous les confrères du secteur qui se sont partagés ses jours de garde. Le confrère de Cierp-Gaud a aussi été touché, mais plus légèrement. Il a pu se charger de livrer les gens isolés. Les quatre pharmacies de Bagnères-de-Luchon, tout comme celles de Montréjeau, ont eu un peu d’eau également, mais cela n’a pas empêché leur fonctionnement, cela n’a rien à voir avec ce que la consœur de Saint-Béat a vécu », explique le président, Philippe Vergnes.
Pour l’heure, les confrères s’organisent pour venir en aide à Véronique Fages. L’un d’eux tient par exemple à sa disposition des meubles d’officine. Car la situation ne sera pas résolue demain. C’est toute la rue principale de Saint-Béat qui est dévastée, plus un commerce ne tient debout et une vingtaine d’habitations se sont vues décerner un arrêté de mise en péril.
Cette situation touche directement Robert Pujol, l’ancien pharmacien de Saint-Béat, commune où il réside toujours. « La solidarité est fantastique, je ne peux plus rentrer chez moi mais je suis invité un peu partout. Dès que la catastrophe a été connue, j’ai reçu une centaine d’appels de collègues et d’amis qui me disaient : demain on sera là avec des pelles. » Ce fameux 18 juin, Robert Pujol et sa femme ont quitté Saint-Béat à 9 heures, pour un rendez-vous à Toulouse. « La Garonne était devenue dangereuse, les troncs d’arbre qui tapaient sur le pont faisaient tout trembler. J’ai prévenu qu’il allait y avoir une catastrophe, cela faisait un mois que la préfecture nous le disait. »
Soulagé de savoir que tous les habitants sont sains et saufs, il voit néanmoins l’avenir d’un œil morose. « Saint-Béat est mort, les commerces ne se remonteront pas ou très peu, les assurances vont freiner des quatre fers pour indemniser. C’est désolant quand on sait que le village a plus de 2 000 ans d’âge. » Passionné de patrimoine et grand défenseur de sa région, il est très peiné par toutes les pertes enregistrées. En particulier pour son ancienne pharmacie, dont il a vendu la licence à Véronique Fages, et dont il a fait un musée. « C’est secondaire, mais c’est un crève-cœur de le voir ravagé. Les murs sont en marbre et font un mètre d’épaisseur, les fondations en font quatre, rien n’a bougé. » C’est pourquoi il ne comprend pas que sa maison soit touchée par un arrêté de mise en péril. Robert Pujol et sa femme ont eu l’autorisation de rentrer 10 minutes dans leur maison jeudi dernier, escorté des commandants des pompiers de la gendarmerie, pour récupérer quelques affaires. Les services des monuments historiques ont pu évacuer à Toulouse un certain nombre de pièces de sa pharmacie-musée. « Mais ces pièces reviendront à Saint-Béat ! »
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