Toxicomanie

Mort de rire

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Publié le 24/09/2018
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Crédit photo : aaa

De drôles de petites bouteilles jonchent depuis peu les trottoirs de la métropole Lilloise. Ces jolies capsules aux reflets métalliques témoignent de la recrudescence d'une pratique apparemment anodine et pourtant dangereuse. Signalée ces derniers jours par le Centre régional de pharmacovigilance du Nord-Pas-de-Calais. Il s'agit du détournement à but toxicomaniaque des cartouches de protoxyde d'azote (N2O). Plus connu sous le nom de gaz hilarant, le protoxyde d'azote est utilisé en pâtisserie dans les siphons à crème chantilly, mais aussi en médecine, en tant qu'antalgique et anesthésique. Problème, il n'est pas considéré comme une drogue et peut être acheté légalement (sous son conditionnement culinaire). Si son utilisation, signalée depuis plus de 20 ans, n'est pas vraiment nouvelle, il semble que le Mondial de football ait un peu réveillé la pratique chez les jeunes, notamment dans la région Lilloise. Les effets du gaz, inhalé après transfert dans un ballon de baudruche, sont rapides et fugaces. Euphorie, hilarité irrépressible, mais aussi parfois vertiges, acouphènes et nausées succèdent à l'inhalation du contenu des cartouches. Et c'est justement la brièveté des effets ressentis, et les éclats de rire qui les accompagnent, qui banalisent l'usage du N2O. Pourtant, préviennent les addictologues, le produit est loin d'être inoffensif. Il faut en effet savoir que l'utilisation intense et régulière de N2O vide les stocks de vitamine B12, ce qui peut entraîner, à terme, une sclérose de la moelle épinière.

Enfin, lorsqu'il est associé à de l'alcool ou à des boissons énergisantes, le cœur peut s'emballer… jusqu'à l'arrêt cardiaque. En fait, expliquent les spécialistes, la concentration du gaz influe énormément sur sa toxicité. À saturation (100 % de N2O), son inhalation provoque successivement perte de conscience - en moins d'une minute -, paralysie bulbaire, apnée et arrêt cardiovasculaire. De quoi faire payer cher l'éclat de rire…

Didier Doukhan

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3459