CES DERNIÈRES années, il a escaladé deux fois le Kilimandjaro. L’an prochain, il prévoit de « faire un 6 000 dans les Andes ». « Je reste dans les hauteurs », raconte ce pharmacien de Salon qui a passé les années 1980 sur les sommets de la canopée tropicale à recueillir et analyser des plantes… avant de reprendre la pharmacie familiale.
« J’étais passionné de botanique. C’est ce qui m’a incité à faire mes études de pharmacie. J’avais décidé de faire une thèse sur l’utilisation et la connaissance des champignons dans les sociétés primitives d’Asie du Sud-est. Je potassais les ouvrages de Roger Heim sur les champignons hallucinogènes », se souvient Michel Jourdan. En troisième année de pharmacie, il travaille alors dans le laboratoire de botanique du Pr Andary, à la faculté de Montpellier, quand le doyen lui propose de partir trois mois enseigner les rudiments de la mycologie en Indonésie, une science encore méconnue dans ce pays. « Pendant mon temps libre, je parcourais la forêt à Sumatra avec des frères missionnaires. On installait une table de fortune pour la messe et ensuite on partait avec le panier en osier à la recherche de champignons… »
Sur la canopée amazonienne.
Il y rencontre la première équipe du Radeau des Cimes, une association ensuite médiatisée par Nicolas Hulot. Le radeau, c’est une « immense structure gonflable ressemblant à une toile d’araignée de plus de dix mètres de rayon qui permet de se déplacer sur la cime des arbres afin de récupérer des végétaux et de les analyser », explique Michel Jourdan. L’équipe, en cours de formation, recherche alors un pharmacien. C’est le début d’une longue collaboration entre la chaire de botanique de Montpellier et Le Radeau des Cimes. Michel Jourdan part pour l’Amazonie, à Petit-Saut, un endroit de Guyane aujourd’hui noyé par un barrage, puis au Brésil. Rhône-Poulenc finance à l’époque les recherches de l’association, notamment sur le traitement de la leishmaniose.
Il passe de la systématique des champignons à celle des plantes, sonde l’ADN des végétaux de la canopée et découvre les thérapies indigènes, souvent efficaces : « Je suis tombé une fois de la pirogue. Les Indiens m’ont vite sorti de l’eau infestée de piranhas, mais j’avais une très large entaille à la pommette. Le chamane m’a fait boire le liquide tiré d’une liane qui avait un puissant effet antalgique et m’a ensuite fait six ou sept points de suture avec des fibres végétales. J’étais conscient mais je ne ressentais aucune douleur. » Le nom de cette liane ? « Ils n’ont jamais voulu me le dire. Il me considérait comme leur confrère, comme un chamane de la ville, mais ils gardaient leurs secrets. »
De la Corée du Nord à Tamanrasset.
À peine revenu en France, il refait son sac à dos. Direction Madagascar, le Sri-Lanka, et la Corée du Nord à l’époque de Kim Il-Sung. « Gros exportateur de ginseng, la Corée du Nord avait besoin de la caution de chercheurs censés contrôler la culture et la production », explique-t-il. Une expérience pittoresque : « Les paysans balayaient des autoroutes vides que nous traversions pour rejoindre les plantations. Un garde du corps accompagnait chaque membre de l’équipe. Nos seuls contacts, c’étaient des Russes avec qui nous discutions à l’abri des micros dans le hammam de l’hôtel. » Entre deux missions, il valide ses semestres de pharmacie. Bruxelles l’envoie ensuite en Algérie pour essayer de faire pousser des champignons de Paris dans les grottes humides du sud de l’Algérie. Le régime de Chadli Bendjedid cherche alors à sédentariser les Bédouins. « Nous sommes revenus plus tôt que prévu car la situation devenait instable. C’était les débuts de la guerre civile. » Et la fin de cette expérimentation.
Le botaniste bourlingueur commence à réfléchir à l’avenir et rencontre sa future femme : « Il y a un moment où il faut faire des choix, estime-t-il. Ce genre d’aventures se vit à 170 % ou alors il faut lâcher prise. J’ai choisi de fonder une famille. » Pharmacien rangé ? Il ne l’est toujours pas. Quand il quitte le comptoir de l’officine, il part en mission humanitaire ou décroche son piolet. Ses talents de botaniste sont désormais au service de ses clients : « Ils aiment de plus en plus savoir ce qu’ils absorbent. Je les renseigne sur les principes actifs et parfois les rassure. »
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