« Pour un système de santé plus efficace »

Les propositions radicales de quatre économistes

Publié le 11/07/2013
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Instauration d’un tarif forfaitaire de responsabilité (TFR) pour chaque molécule, suppression immédiate du taux de remboursement à 15 %, réduction, à terme, du nombre de taux de remboursement à deux, et élargissement du panier de soins… les propositions des quatre économistes auteur de la note du Conseil d’analyse économique (CAE) « Pour un système de santé plus efficace » sont radicales. Explications.
Les auteurs préconisent la suppression du taux de remboursement à 15 %

Les auteurs préconisent la suppression du taux de remboursement à 15 %
Crédit photo : S. TOUBON

COMMENT améliorer l’efficacité du système de santé ? Un véritable casse-tête pour tous les gouvernements – de droite comme de gauche – qui se sont succédé aux manettes de la France depuis un quart de siècle. Quelles que soient les réformes mises en place, les dépenses de santé continuent en effet de croître plus vite que le produit intérieur brut (PIB). La raison ? « Les innovations médicales incitent à une consommation plus importante de biens et de thérapeutiques », estiment les auteurs* d’une note publiée par le Conseil d’analyse économique (CAE) et remise récemment au Premier ministre, Jean-Marc Ayrault. Un phénomène constaté dans tous les pays industrialisés, et qui engendre une croissance corrélative des prélèvements obligatoire ou un transfert progressif de la couverture assurantielle vers les complémentaires santé ; avec, à la clé, une augmentation de la charge financière pour les assurés sociaux. Selon Brigitte Dormont, « ce transfert, qui n’est en rien un gage d’efficacité, présente en outre l’inconvénient de déresponsabiliser la tutelle, qui a ainsi tendance à laisser filer les dépenses ; voire à laisser les prix augmenter ».

Les quatre économistes proposent donc de changer de paradigme et de cesser d’utiliser l’abaissement de la couverture comme outil de régulation budgétaire. « Il faut sortir de cette logique qui consiste à dégrader les taux de remboursement de la Sécurité sociale, sous prétexte de responsabilisation des patients et dans le seul but d’espérer tenir l’objectif national des dépenses d’assurance-maladie (ONDAM) », précise Philippe Askenazy.

Réduire le nombre de taux de remboursement.

Ils proposent donc de « définir un panier de soins solidaire et de modifier les taux de couverture qui ne seraient plus qu’au nombre de deux ». En clair, la collectivité prendrait en charge l’intégralité de soins, qui seraient ainsi accessibles à l’intégralité de la population, sans aucune barrière financière. Une prise en charge qui, selon Brigitte Dormont, devrait « logiquement dépasser le périmètre actuel des affections longue durée (ALD) ». Et, dans cette perspective, les auteurs de la note appellent de leurs vœux « un développement de l’évaluation médicoéconomique, encore trop peu développée en France ».

Pour ce qui ne serait pas pris en charge par la collectivité, les assurances complémentaires pourraient alors pleinement jouer leur rôle en proposant aux assurés sociaux des contrats adaptés à leurs besoins. Et pour les produits ou prestations qui ne seraient pris en charge ni par la collectivité, ni par les complémentaires, il reviendrait aux assurés sociaux d’en assurer, seuls, le coût.

Concrètement, selon Brigitte Dormont, « le taux de remboursement à 15 % pourrait ainsi être immédiatement supprimé et un tarif forfaitaire de responsabilité par molécule être mis en place ». Une mesure qui n’est pas révolutionnaire pour autant puisque 16 % des génériques sont déjà soumis à un TFR. Une évolution qui, néanmoins ne saurait laisser indifférents des pharmaciens, déjà à la peine avec environ 10 000 officines dans le rouge.

Maîtrise des budgets aux ARS.

Pour faire sauter ce qu’ils considèrent comme étant « des verrous à l’évolution des pratiques », les auteurs proposent de « transférer aux agences régionales de santé (ARS) la maîtrise des budgets pour les trois branches qu’elles sont censées chapeauter : l’ambulatoire, l’hôpital et le médicosocial ». Une proposition révolutionnaire puisque, aujourd’hui, les ARS n’ont véritablement la main que sur 2 % des dépenses. Conséquence : dans chaque ARS l’ambulatoire se verrait allouer une enveloppe en fonction des besoins. À charge pour celles-ci, selon les auteurs de la note du CAE, de piloter avec une grande liberté l’offre de soin, avec la maîtrise des conventionnements et des modalités de rémunération des professionnels de santé.

Une proposition qui ne devrait pas faire plaisir au directeur général de la caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM), Frédéric van Roeckeghem qui, au moment des discussions sur la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST), s’était battu bec et ongles pour garder la main sur le budget.

*Brigitte Dormont (Université Paris Dauphine) ; Philippe Askenazy (CNRS et CEPREMAP) ; Pierre-Yves Geoffard (École d’économie de Paris et CNRS) ; Valérie Paris (OCDE).
STÉPHANE LE MASSON

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3023