Humeur

La dictature du prolétariat

Publié le 14/11/2013
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Peu importe que vous transportiez dans votre voiture un malade ou une femme qui va accoucher, vous n’aurez jamais la priorité. C’est, quoi qu’il arrive, le camionneur qui en bénéficie. Il se gare contre votre automobile pendant deux heures, il s’arrête pile dans une rue et, peu soucieux de vos récriminations, il prend tout son temps pour décharger ; et, quand vous arrivez avec quelques heures de retard à votre point de destination, il en bloque encore l’accès. D’où tire-t-il son pouvoir sinon d’un droit divin que vous croyiez disparu depuis 1789 ? Sans doute de la nature noblissime de sa fonction, de loin supérieure à la vôtre et d’une indifférence méprisante : je n’ai pas d’autre endroit où me mettre et tant pis si ça vous importune : ce que je fais est important et ne souffre aucun délai, je suis tout, vous n’êtes rien. Ainsi va la vie contemporaine qui charrie sa foule d’injustices dont aucune n’est épargnée à celui qui ne dispose d’aucun passe-droit, d’aucun gyrophare, d’aucune autorité particulière liée à son âge, son sexe ou son rang, d’aucun de ces privilèges soigneusement répartis, qui vont le plus souvent aux riches mais parfois aux pauvres, pas mécontents de se venger sur leur prochain de leur condition, grâce à un métier consacré par l’exiguité des villes et le gigantisme des poids-lourds.

› RICHARD LISCIA

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3046