« LA VACCINATION n’est pas un acte anodin », affirme Jocelyn Raude, sociologue à l’École des hautes études en santé publique (EHESP), spécialisé dans l’étude des systèmes de croyances autour de la santé et de la maladie. Le chercheur rappelle que, en 1904, au Brésil, des émeutes urbaines ont éclaté à Rio de Janeiro à la suite d’une campagne de vaccination obligatoire contre la variole. Plus récemment, en 2012, des professionnels de la santé en charge de la vaccination contre la poliomyélite ont été assassinés au Pakistan par des fondamentalistes religieux.
« L’acceptabilité vaccinale dépend d’un arbitrage intuitif entre les risques et les bénéfices perçus chez les individus concernés par la vaccination », explique Jocelyn Raude. La perception des bénéfices est liée à l’efficacité et à l’utilité perçues de la vaccination, tandis que les risques sont en rapport avec les effets secondaires potentiels, qu’ils soient documentés ou imaginaires, et le coût des vaccins en temps, argent et douleur. Cet arbitrage dépend aussi de la perception de la maladie, notamment de sa gravité et de sa fréquence. Le public a tendance à percevoir les risques sanitaires « à partir d’observations de routine ou de discussion sur des cas de maladie ou de décès dans leurs réseaux personnels ou dans les médias. Or de nombreuses maladies concernées par la vaccination ne sont plus visibles autour de nous (poliomyélite, diphtérie, etc.), donc on ne voit plus le bénéfice de la vaccination », souligne Jocelyn Raude.
De plus, l’essor d’Internet s’est accompagné de la prolifération de sites mettant en garde contre les dangers de la vaccination. Et la controverse sur le vaccin contre la grippe A/H1N1 a provoqué un changement d’attitude brutal des Français. Avant 2010, moins de 10 % d’entre eux étaient défavorables à la vaccination, un chiffre qui a bondi à près de 40 % après la campagne de vaccination de 2009. Les conséquences ne se sont pas fait attendre : la couverture vaccinale contre la grippe a baissé chez les plus de 65 ans, passant d’environ 70 % jusqu’en 2008-2009 à 53 % en 2009-2010 et 60 % les années suivantes.
Propagation de rumeurs.
Or « la confiance institutionnelle est longue à acquérir, mais facile à perdre, note Jocelyn Raude. Une seule action malheureuse ou maladroite suffit à ébranler un sentiment de confiance durement acquis au cours du temps ». Le sociologue a identifié deux mécanismes sociologiques sous-jacents permettant d’expliquer la récente multiplication des controverses autour des vaccins : une crise de confiance croissante à l’égard des pouvoirs publics en général, mais aussi des scientifiques et autorités sanitaires en particulier ; ainsi qu’une transformation radicale du « marché » de l’information lié à l’émergence des médias électroniques. « La conjugaison de ces deux phénomènes facilite la propagation rapide de rumeurs et d’informations fausses ou invérifiables dans l’espace public, notamment de nombreuses théories conspirationnistes », analyse-t-il.
Pour redonner confiance au Français dans la vaccination, Les entreprises du médicament (LEEM) ont donc formulé 16 propositions, organisées autour de sept thèmes : combattre les préjugés sur la vaccination, faciliter les modalités d’accès à l’information et à la vaccination, adapter la communication sur les vaccins, valoriser l’expertiser des industriels en matière d’information et de communication, développer les atouts de la France en matière de recherche, créer les conditions propices au maintien d’une production forte sur le territoire et garantir un environnement réglementaire adapté aux spécificités du vaccin.
Mais la confiance des patients risque d’être longue et difficile à regagner…
Insolite
Épiler ou pas ?
La Pharmacie du Marché
Un comportement suspect
La Pharmacie du Marché
Le temps de la solidarité
Insolite
Rouge à lèvres d'occasion