LE BROMURE de potassium fut introduit en thérapeutique comme substitut aux iodures, réputés alors plus toxiques. Les cliniciens commencèrent à le tester dans diverses indications sans succès : Philippe Ricord (1800-1889) le proposa ainsi dans le traitement de la syphilis…
Cependant, un proche de Claude Bernard, le docteur Charles Huette (1820-1881) releva que l’ingestion de bromures induisait une « torpeur » génitale ; D.R. Thielman prétendit traiter le priapisme par l’application topique de pommades bromurées sur les « organes de la génération ». Mais, surtout, dans sa thèse qu’il soutint en 1842, un médecin allemand, Otto Graf, rapporta que l’absorption quotidienne de trois doses de 600 mg de ce sel pendant deux semaines l’avait rendu temporairement impuissant… C’est probablement cette curieuse expérimentation qui fut à l’origine de la gloire des bromures.
Tout commença le 12 mai 1857. Ce jour, Sir Charles Locock (1799-1875), médecin à Londres, fit état, lors d’une séance de la Société Royale de Médecine et de Chirurgie, de résultats extraordinaires obtenus en administrant du bromure de potassium à des patientes souffrant d’épilepsie : l’honorable assemblée se félicita qu’un médicament efficace contre cette maladie échappant alors à tout traitement ait enfin été découvert. Mais la démarche de Locock a de quoi nous étonner aujourd’hui. Brillant gynécologue, il imaginait comme la plupart des praticiens d’alors qu’il existait une relation entre épilepsie, hystérie et masturbation.
Une « muselière contre l’épilepsie ».
Les bromures étant connus comme calmants des fringales onaniques, Locock envisagea de les utiliser pour contrôler la comitialité en réduisant la fréquence des masturbations. Le traitement fut un succès : Locock se targua de supprimer 93 % des crises d’épilepsie de ses patientes - cette découverte constitue un exemple de théorie erronée ayant conduit empiriquement à des résultats corrects -. Dès 1858, l’Anglais Edward H. Sieveking (1816-1904), dans une monographie sur l’épilepsie faisant autorité, souligna l’intérêt de ce médicament en neurologie. Les bromures connurent leur gloire à la fin du XIXe siècle, étant largement prescrits comme anxiolytiques, sédatifs et anticonvulsivants, à la suite des observations emphatiques de Samuel Wilks (1824-1911) et, surtout, d’un éminent neurologue, Charles B. Radcliffe (1822-1889). Spécialisé dans le traitement des affections neurologiques à Londres, l’Hospital for the Palsied and Epileptic commandait alors chaque année plus de deux tonnes de bromure de potassium… En France, l’aliéniste Henri Legrand du Saulle (1830-1886) fit du bromure de potassium une « muselière contre l’épilepsie » et Jean-Martin Charcot (1825-1893) préconisa un usage séquentiel des sels de brome pour éviter le « bromisme ».
Toutefois, la toxicité des bromures (troubles digestifs et cutanés, asthénie psychique, encéphalopathies, etc.) les fit disparaître de la pratique médicale avec l’avènement, au début du XXe siècle, des barbituriques - mais voici l’objet d’une prochaine chronique ! -.
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