RAREMENT on aura vu un homme embrasser le cursus officinal avec si peu de vocation : « Je voulais devenir boucher ou cuisinier, explique Jean-Bernard Portet, pharmacien à Saint-Gaudens (Haute-Garonne). Mais, un jour, mon père m’a dit : " Tu feras ce que tu voudras quand tu auras ton diplôme de pharmacie ; je t’ai inscrit à la fac, tu commences tel jour… " À cette époque, on ne désobéissait pas à son père. »
Né de parents chirurgiens-dentistes à Toulouse, Jean-Bernard Portet est pourtant très tôt été attiré par la cuisine : « Mes parents ont divorcé et, vers 16 ans, j’ai dû me faire à manger seul. J’ai découvert les bons produits du sud-ouest, le plaisir de les cuisiner, d’inviter des amis… » Il se taille vite une réputation de cordon-bleu qui l’encourage à en faire son métier. Mais l’injonction de son père change la donne. Aussi, Jean-Bernard Portet décide-t-il de décrocher au plus vite son diplôme de pharmacie, pour retourner à ses fourneaux : « J’ai travaillé énormément et j’ai eu tous mes examens du premier coup (sauf un). »
Entre-temps, il rencontre son épouse sur les bancs de la faculté. Et, à son retour du service militaire, le couple achète une officine à Toulouse. Finis les rêves de cuisine !
Quelques années plus tard, ils déménagent pour prendre une officine à Saint-Gaudens : « Mon épouse est de Saint-Gaudens, mon père de Roquefort-sur-Garonne, nous avons voulu nous rapprocher de nos racines. » Des racines qui l’entraînent ensuite sur terrain politique. Les habitants de Roquefort-sur-Garonne le sollicitent pour les élections municipales ; il accepte, et est élu dans un fauteuil, en l’absence de toute liste concurrente.
Il exerce ce mandat selon un principe clair : « Ne faire aucune référence politicienne. À l’exclusion de l’extrême droite que je combats quotidiennement, mon équipe comprend toutes les tendances, socialistes, UMP…, explique-t-il. Même si chacun connaît mon engagement au parti radical de gauche, à la mairie, il n’intervient pas et tous les projets sont élaborés en équipe. »
Donné pour mort.
Cette charge de maire a bien failli lui coûter la vie. En 2004, il est agressé par un déséquilibré : 9 coups de couteaux, 92 points de suture, des semaines d’hôpital… Il est même annoncé mort par certains médias. Ce drame marque un tournant dans sa vie. Il mettra plusieurs années pour se reconstruire physiquement et psychologiquement. Ce qui l’a sauvé : le soutien de ses administrés.
En 2006, le couple Portet prend une nouvelle pharmacie dans le centre-ville de Saint-Gaudens. Jean-Bernard revient aux affaires et s’investit dans une activité supplémentaire : la Fédération de chasse de Haute-Garonne dont il devient administrateur, puis président : « La chasse est pour moi une passion, un loisir, un lieu de rencontre avec la nature et les hommes, parfois une identité, voire un art. Et toujours du plaisir partagé ! Ce sont aussi des plages de solitude qui reposent de la foule de l’officine. » À la Fédération, il impose un nouveau style : « Je veux changer l’image du chasseur. Nous devons être respectueux des territoires, refuser la logique de conflit, rechercher le respect mutuel. » Il dialogue sans a priori avec les promeneurs, les vététistes, les écologistes, et il ne s’oppose pas à la réintroduction de l’ours dans les Pyrénées…
Jean-Bernard Portet partage désormais son temps entre la Fédération de chasse, son officine et la mairie (3e mandat), selon un planning très serré : « J’ai la chance de dormir peu », avoue-t-il.
Engagé sur bien des terrains, on ne le trouve pourtant pas sur celui du syndicalisme : « J’y suis allé, il y a vingt ans. J’en ai gardé un mauvais souvenir. Notre profession est trop individualiste. Elle n’a que ce qu’elle mérite ! On a choisi la logique du profit au détriment de l’amélioration de la qualité, du conseil, de la relation au patient. Ici, il m’arrive de donner gratuitement des médicaments à des pauvres gens parce que je les connais, je suis à leur contact… Je ne suis pas de ces pharmaciens enfermés dans leur bureau, accrochés à leur calculette, bataillant pour gagner 1 % de marge sur quelques boîtes. Ceux-là ne connaissent pas leurs clients et ils les perdront. »
À 53 ans, Jean-Bernard Portet demeure un pharmacien de comptoir, un humaniste de l’officine qui résume ainsi le moteur qui fonde tous ses engagements : « apporter du mieux-être, du plaisir, du bien vivre… »
Légende photo (réalisée par P.Jayat) :
Élu, chasseur et gastronome, Jean-Bernard Portet est avant tout un pharmacien de comptoir
Insolite
Épiler ou pas ?
La Pharmacie du Marché
Un comportement suspect
La Pharmacie du Marché
Le temps de la solidarité
Insolite
Rouge à lèvres d'occasion