QUAND IL PARLE de mécanique, Jacques Touren a les yeux qui pétillent. Jeune retraité, ce pharmacien peut désormais se consacrer entièrement à sa passion : concevoir des machines, dessiner des plans, élaborer des prototypes… Sa dernière machine, qu’il a présentée à Pharmagora, est conçue pour apporter une aide à la préparation des doses à administrer, en permettant de déblistériser les médicaments. « J’ai toujours été passionné par la mécanique et par la résolution de problèmes, confie Jacques Touren. Toute ma carrière est fondée sur le principe que le pharmacien est un scientifique au service de la santé. Nous avons un bagage scientifique suffisant pour concevoir des machines permettant de simplifier la tâche des pharmaciens », estime-t-il.
Des investissements lourds.
Jacques Touren est né en 1943. Sitôt diplômé de la faculté de pharmacie de Toulouse, en 1972, il part pendant dix ans en Afrique, au Tchad et en Côte d’Ivoire. Il rentre en France dans les années 1980 et s’installe comme titulaire à Marseille. Il reprend ensuite une officine à Aix-en-Provence, avant de terminer sa carrière à Bouc-Bel-Air, une petite ville des Bouches-du-Rhône. « J’ai eu la chance de travailler avec quatre maisons de retraite, explique-t-il. Le rôle du pharmacien dans ces structures est en train d’évoluer. On nous demande de superviser les préparations, voire, au besoin, de les faire. Ce qui m’a frappé, c’est d’observer d’un côté les robots ultramodernes utilisés pour la préparation des doses à administrer et, de l’autre côté, les "petites mains" qui déblistérisent les médicaments pendant des journées entières pour les alimenter. Cet anachronisme entre la modernité des robots et l’esclavage de ce travail manuel peu valorisant m’a poussé à chercher des solutions. » À ses heures perdues, il met donc au point une machine qui permet de déblistériser les médicaments : le JT Déblisteriseur. Pendant deux ans, Jacques Touren planche sur sa machine. « Cela nécessite des investissements importants en temps et en argent », commente-t-il. Le pharmacien dépense ainsi plus de 20 000 euros en dessins, plans, brevets, et essais divers. « Je définis d’abord les plans sur un papier, avec un simple crayon et une règle. Puis je travaille en collaboration avec des dessinateurs industriels qui effectuent une modélisation sur ordinateur », explique-t-il. Il s’adresse ensuite à des ateliers de mécanique de précision à Venelles, afin de mettre au point son prototype et dépose un brevet. La fabrication et le montage de sa machine sont désormais exclusivement réalisés par cette entreprise française et Jacques Touren en a déjà vendu une dizaine.
Trois brevets déposés.
L’inventeur n’en est pas à son coup d’essai. Avant sa machine à déblistériser, il avait déjà mis au point un sac de golf et une monture pour télescope, dont les brevets ont également été déposés. « La recherche du confort nous rend plus créatif », sourit-il. Il prend sa retraite le 1er décembre dernier, à l’âge de 69 ans, ce qui lui permet maintenant de se consacrer à plein-temps à ses projets. Cependant, il continue à faire des remplacements en officine, avec une préoccupation : rester dans le coup. « Cela me permet de garder un pied dans la profession. J’y ai encore beaucoup de contacts, ce qui simplifie mes démarches », reconnaît-il. Ses déplacements pour promouvoir sa machine lui permettent aussi de découvrir de nouveaux milieux de travail : « Je découvre l’industrie pharmaceutique, qui était auparavant un univers parallèle pour moi. Et je travaille aussi beaucoup avec le milieu hospitalier. C’est très intéressant, car cela me permet de toucher à divers aspects de mon activité, qui était axée autour du médicament ». Pour Jacques Touren « la mécanique est un moyen de rester dans la pharmacie ». Il ne compte d’ailleurs pas s’arrêter en si bon chemin et il travaille actuellement sur deux autres projets. Sa prochaine création sera une machine à découper les médicaments. De quoi faciliter encore la vie de ses confrères pharmaciens…
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