LE MARCHÉ du médicament est en berne. En 2012, le segment des produits de prescription dispensés à l’officine a même connu, pour la première fois de son histoire, une décroissance. Pour les années à venir, la tendance ne devrait pas s’inverser. Certains parient toutefois sur les biosimilaires pour redynamiser le marché. Mais qu’en est-il réellement ?
En France, le marché « devrait certes se développer, mais à un rythme modéré, passant de 61 millions d’euros en 2012 à 273 millions d’euros en 2016, selon le scénario le plus optimiste », augure Jean-Michel Peny, président de Smart Pharma Consulting, dans une récente analyse (voir graphique). Car certains facteurs sont à même d’encourager leur développement, en particulier la chute des brevets de plusieurs médicaments biologiques. Il en va de même de « la recherche continue d’une meilleure maîtrise des dépenses de santé, exacerbée par le contexte économique défavorable », estime Jean-Michel Peny. Pour accélérer l’usage des biosimilaires, et tirer avantage des économies associées, les autorités de santé pourraient être tentées d’avoir recours aux mêmes mécanismes incitatifs que ceux employés pour les génériques. Mais les biosimilaires ne sont pas des génériques (voir encadré). Si les États membres de l’Union Européenne sont libres d’accorder aux pharmaciens le droit de substitution entre les biomédicaments et leurs biosimilaires, le président de Smart Pharma Consulting ne pense pas qu’une telle disposition soit recommandable dans le contexte actuel. « Nous avons évalué l’impact d’une telle mesure d’ici à fin 2016 dans l’hypothèse de l’introduction d’un droit de substitution en janvier 2015, explique-t-il. Les biosimilaires pourraient alors atteindre 23 % en valeur. » Mais pour lui, « en raison des risques d’immunogénicité accrus par les changements de traitements biologiques, la très grande majorité des médecins inscriront « Non substituable » sur leur ordonnance ». De leur côté, les pharmaciens « seront, au cours des premières années, peu enclins à proposer un biosimilaire en remplacement de la prescription initiale du médecin, et les patients risquent d’être extrêmement réticents à l’accepter ».
Aussi Jean-Michel Peny estime-t-il qu’il est dans l’intérêt de l’ensemble des acteurs (autorités de santé, laboratoires pharmaceutiques, médecins, pharmaciens, patients et payeurs), d’installer les biosimilaires progressivement et avec prudence, de manière à ce que chacun puisse se familiariser avec ces médicaments qui, s’ils sont prescrits, dispensés et utilisés de manière appropriée, ne présentent aucun risque de santé publique particulier. « Lorsque nous voyons que, près de 20 ans après l’arrivée des médicaments génériques en France, leur qualité et le droit de substitution sont régulièrement remis en cause, nous pensons qu’il serait raisonnable de laisser le marché des biosimilaires prendre son envol « naturellement », en jouant en priorité la carte de la prescription initiale par les médecins, conclut-il. Le « switch » d’un biomédicament par un autre, qu’il s’agisse d’un princeps ou d’un biosimilaire, n’est d’ailleurs pas plus recommandé par l’EMA que l’est la substitution. »
Smart Pharma Consulting a également étudié un troisième scénario qui consisterait à instaurer un prix unique par classe thérapeutique sur le marché officinal. Dans ce cas, l’assurance-maladie obtiendrait une économie équivalente à celle générée par 100 % de pénétration des biosimilaires. Cependant, cette mesure - certes séduisante d’un point de vue économique - aurait pour conséquence de perturber, voire de stopper, le développement des biosimilaires sur le marché officinal, estime Jean-Michel Peny. Il précise : « le défi pour les autorités de santé, si elles veulent dynamiser le marché des biosimilaires, va être de créer les conditions d’un développement sécurisé, en proposant un mécanisme incitatif pour que les médecins hospitaliers initient les traitements de leurs patients avec des biosimilaires davantage qu’ils ne le font aujourd’hui. »
Quel que soit le scénario envisagé, le marché des biosimilaires « ne devrait pas représenter, à court terme, une source d’économies majeure pour les payeurs, ni une source de revenu supplémentaire significative pour les pharmaciens d’officine », conclut le président de Smart Pharma Consulting. À ses yeux, les biosimilaires vont certes s’inscrire dans le paysage français, mais tranquillement, à leur rythme.
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