NOUS SOMMES au Chili. Un tremblement de terre s’est produit dimanche à 8 h 32. Le mercredi suivant, 47 réservistes de l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS) sont déployés sur la zone sinistrée. C’est l’État français qui les a envoyés sur place, à la demande de l’État chilien. Ils sont installés dans une zone sécurisée, à 100 km de l’épicentre du séisme. Les infrastructures sont détruites et ils doivent se débrouiller avec les moyens du bord et le matériel qu’ils ont apporté. La première étape pour eux est d’installer leur camp. Ils doivent monter les tentes, installer le système de chauffage, sécuriser la zone, etc. Un poste médical avancé (PMA) est mis en place, ainsi qu’un poste de télécommunications et une unité de décontamination pour les risques nucléaires radiologiques, biologiques et chimiques (NRBC). Les réservistes sont alors fin prêts pour passer aux choses sérieuses : la prise en charge des victimes.
Oublier la hiérarchie.
Mais ici, pas de vrais blessés, car ce scénario est en réalité un exercice de mise en situation, encadré par l’université Paris-Est Créteil (UPEC). Il fait partie d’une session de formation organisée par l’EPRUS deux fois par an pour mettre ses réservistes dans des conditions proches de celles du terrain. Pendant une semaine, 47 professionnels de santé venus de toute la France quittent leur cabinet, leur officine ou leur hôpital, afin de participer à un apprentissage à la fois théorique et pratique. Qu’ils soient aides-soignants, infirmiers, médecins, directeur d’hôpital, pharmaciens ou brancardiers, ici ils sont simplement réservistes. « Le but quand on arrive est de dormir au chaud et de manger, souligne Élisabeth Sauner-Schuller, titulaire d’officine à Mulhouse et réserviste de l’EPRUS depuis 2011. On met toute la hiérarchie à plat et chacun doit participer, même si c’est parfois difficile avec la fatigue. »
Le début de la semaine est consacré à des cours théoriques. Puis, pendant deux jours, une base militaire située dans le Val-de-Marne accueille l’exercice pratique. Afin de se rapprocher des conditions réelles, la simulation est émaillée de divers incidents : les réservistes sont contraints de négocier avec des « délégations locales » (en réalité des formateurs qui jouent ce rôle) afin d’obtenir de la nourriture, le kérosène manque pour le chauffage, des vols se produisent pendant la nuit, et un enlèvement est même organisé.
Fatigue et stress.
« Ils nous agrémentent la mission de petites situations épiques, commente Élisabeth. Pour éviter les vols, j’ai toujours mon passeport dans ma poche et je garde en permanence mon sac à dos sur moi. » Il contient une bouteille d’eau d’un litre et demi, une ration de combat permettant de tenir 24 heures et une lampe. Ainsi, en cas d’évacuation d’urgence, les réservistes disposent de réserves minimales.
Ils sont également soumis à des conditions de fatigue, de stress et de manque de confort proches de celles du terrain. « Nous nous sommes couchés vers 1 heure du matin et levés à 4 h 45. Les douches sont mixtes et ne ferment pas… Elles sont aussi très tempérées », grimace Élizabeth. Pendant la formation, elle est « encadrante junior ». À la fin du stage, si tout se passe bien, elle sera nommée « encadrante senior ». « Avant, j’ai travaillé pour Pharmaciens sans frontières et pour l’Ordre de Malte, explique-t-elle. Ce qui me plaît avec l’EPRUS, c’est que les missions sont courtes, rémunérées et bien encadrées. C’est une organisation gouvernementale, donc tout est très bordé. » Maman de trois enfants, la pharmacienne ne se voyait plus partir pendant trois mois avec une ONG comme elle le faisait auparavant.
Elle apprécie également la sécurité juridique qu’offre le contrat proposé par l’EPRUS. « Dès qu’une mission démarre, on passe immédiatement sous contrat de travail et on est assimilés à des fonctionnaires. Cela nous permet de travailler en étant protégés, en France ou à l’étranger. » Même si elle n’est encore jamais partie avec l’EPRUS, elle est ravie de participer à la formation qu’elle juge très riche. « C’est une belle aventure humaine, estime-t-elle. Cela nous permet de mieux nous comprendre entre professionnels de santé différents et de créer une dynamique de groupe. »
Veiller à la sécurité.
Parmi les volontaires, une autre pharmacienne, Annick Terrier, est déjà accoutumée à ce genre d’exercices de terrain. Elle est pharmacien référent zonal pour les situations sanitaires exceptionnelles, basée aux hospices civils de Lyon, et elle participe régulièrement à des simulations de situations opérationnelles. « Dans ce genre d’opérations, le pharmacien est important pour gérer les produits pharmaceutiques, s’occuper des réassorts, de la délivrance si on monte un dispensaire, et garantir au mieux le respect des bonnes pratiques pharmaceutiques. Il doit aussi être en lien avec le médecin et l’équipe médicale », détaille-t-elle. Réserviste de l’EPRUS depuis 2 ans, elle non plus n’est encore jamais partie en mission. « Mais j’aimerais bien », confie-t-elle.
L’exercice doit permettre aux réservistes de se préparer à cette éventualité. Quand une situation sanitaire requiert l’expertise de l’EPRUS, ils doivent en effet pouvoir être opérationnels rapidement. Pendant le stage, « ils apprennent des choses concrètes », explique Marc Meunier, directeur général de l’EPRUS. L’objectif n’est pas de leur enseigner des compétences médicales, qu’ils sont censés déjà maîtriser, mais plutôt de leur apprendre à exercer leur métier dans des circonstances qui sortent de l’ordinaire. Ils doivent notamment être attentifs à leur sécurité, qu’elle soit sanitaire (pollution de l’eau, épidémies), physique (répliques de séisme) ou liées à de la délinquance sur place (vols). « Ils apprennent aussi la vie en communauté », complète Marc Meunier : dormir à dix par tente, s’organiser pour monter le camp, supporter la promiscuité, etc.
Suite à sa grande campagne de recrutement lancée l’année dernière, l’effectif de l’EPRUS est passé de 700 réservistes à plus de 1 300 actuellement, et 2 000 à 3 000 dossiers sont encore à l’étude. « Notre prochain défi sera de former tout le monde », conclut Marc Meunier.
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