Agronomie

Du vent dans les feuilles

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Publié le 06/06/2017
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Le sujet pourrait paraître bucolique, voire poétique… Il est pourtant hypertechnique. Regarder frémir les feuilles d'un arbre soumises au zéphyr, quoi de plus relaxant. Pour les chercheurs du laboratoire d'hydrodynamique de l'X (CNRS/École polytechnique), cette activité n'a rien d'un passe-temps. Leur équipe vient en effet de mettre au point un dispositif de phénotypage des plantes sans contact et par signature vibratoire. Dit plus simplement, une technique qui reproduit de façon standardisée le mouvement des feuilles balancées par le vent. Pour quoi faire ? Le vent déforme et fait bouger les plantes, de l'arbre entier à la feuille individuelle, expliquent les scientifiques. Or ces mouvements sont importants pour la plante, pour son fonctionnement, sa croissance et parfois sa survie. Ainsi, la connaissance des fréquences vibratoires permet de construire une signature mécanique de la plante analysée, particulièrement utile pour connaître, par exemple, le risque de casse au vent ou de déformation en période sèche. En pratique, le programme Vibrophène (breveté) développe deux prototypes de machines qui simulent les effets de la brise sur des plantules, voire de jeunes arbres. En cage de verre, ou dans le couloir d'une impressionnante soufflerie, les végétaux sont scrutés sous tous les angles par des caméras vidéo et autres dispositifs de mesures vibratoires. Ces mesures permettent de caractériser le phénotype de la plante en moins d'une minute (contre 2 à 3 heures auparavant). Si ces travaux semblent à première vue relever de la recherche fondamentale, ils ont au contraire des applications pratiques bien concrètes et utiles à l'agronomie. Car ce phénotypage ultrarapide permet de mesurer des caractères importants pour éviter la verse des plantes face au vent, phénomène qui se révèle une source majeure de pertes de rendement en agriculture. Autre objectif visé par ces observations : « ces travaux nous servent aussi à proposer des nouveaux concepts de structures souples, en s'inspirant des stratégies des plantes pour s'adapter passivement au vent », expliquent les chercheurs. Qui sème le vent, récolte les données.

Didier Doukhan

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3356