« NOUS NE VENONS PAS apporter notre science, mais cherchons à mettre en valeur, pour eux, leurs savoirs locaux », indique d’emblée Carole Sattler. La jeune pharmacienne adjointe à Etaples-sursmer (Pas-de-Calais), thésée depuis dix-huit mois, est aussi responsable de l’association de valorisation de l’ethnopharmacologie en régions tropicales et méditerranéennes (Avertem). Cette jeune femme tout sourire a fait de Madagascar, la « Grande Île », sa terre d’élection, où elle séjourne trois mois chaque année pour comprendre la pharmacopée traditionnelle, afin que les habitants l’emploient mieux et s’en servent pour se soigner.
« Tout est parti d’une passion que je me suis découverte à la faculté. Je suis plutôt littéraire, et j’aime bien les sciences d’observation. À la fac, j’ai découvert la botanique, puis l’ethnobotanique, ce rapport de l’homme au végétal, rappelle Carole Sattler. Mon professeur de botanique, Mme Annick Delelis, m’a initiée à la recherche, au travers d’un stage en laboratoire, puis d’une de ses actions de coopération avec l’aire protégée d’Analanjirofo, au nord-est de Madagascar. » En 2009, Carole Sattler s’envole pour la Grande Île, où elle retourne, depuis, tous les ans. « Dans cette aire protégée, les habitants vivent de la forêt, mangent et se soignent, à partir de végétaux. Madagascar vit un grave problème de déforestation, des plantes sont menacées : nous travaillons les techniques de cueillette pour ne prendre que ce dont les gens ont besoin. Avertem travaille à l’année avec des correspondants malgaches sur place, ingénieurs, jardiniers, pharmaciens. Avec une coordinatrice, nous menons des journées de sensibilisation. »
Mieux écouter.
« L’ethnopharmacologie relève beaucoup de l’anthropologie, poursuit Carole. Les Malgaches ont des guérisseurs, un culte, observent des rituels, que nous respectons. Ils se soignent avec des plantes, mais nous cherchons aussi à les mener à l’hôpital quand c’est nécessaire. Nous étudions avec eux leurs plantes dans des labos, pour en étalonner les principes, éviter les toxicités aiguës. Nous ne voulons pas isoler des molécules pour l’industrie, mais recenser par écrit ce que fait le guérisseur, comment agit la plante, par un travail de bibliothèque et d’analyse. Très peu d’études cliniques existent : la goyave est pourtant un antidiarrhéique, la valériane un somnifère. »
« Pour nous, rites et plantes s’opposent à notre connaissance cartésienne. Comment se transmet ce savoir ? Je veux être à leur écoute, les comprendre, reprend la jeune femme, car c’est à eux de trouver leur voie de développement. »
Créée en 1999, Avertem s’était assoupie avant que Carole Sattler, alors en 5e année, n’en reprenne la présidence. L’association comprend des amis de Lille II, étudiants et jeunes professionnels, anthropologues, ethnobotanistes, agronomes. Sur la Grande Île, un jardin pédagogique médicinal concerne notamment les remèdes aux diarrhées et aux maladies respiratoires, deux pathologies courantes. Deux étudiants lillois préparent leur thèse sur ces dernières.
À Lille, l’association travaille avec des maisons de quartiers et des associations de Malgaches lillois, « très fiers du patrimoine végétal de leur île ». Carole a laissé la présidence de l’association, et est devenue volontaire internationale. « Je suis hyperpassionnée, un peu idéaliste, mais aussi très réaliste quand il le faut. Je veux rester à ma place, comprendre, ne pas juger. Je suis toujours changée en rentrant en France, et on me voit comme une OVNI. Mais comprendre les Malgaches, leurs rites, me permet de mieux écouter et d’apporter à nos clients à l’officine. »
« Je suis peut-être devenue un peu malgache », s’interroge Carole Sattler (photo DR)
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