FILLE D’AGRICULTEURS de l’Aveyron, Anne-Marie Rantet-Poux apprend très tôt à découvrir et aimer la nature ; arpentant les champs et les bois, elle réalise ses premiers herbiers à 10 ans… Mais sa famille veut de solides études pour ses six enfants : « Nous sommes tous allés à l’université, souligne-t-elle. J’avais envie de travailler en laboratoire, parmi les tubes à essais, les petites boîtes… Mais mon père m’a dit "Fais plutôt pharmacie, tu auras aussi des petites boîtes". Très vite, j’ai aimé ce métier qui m’a rappelé le bonheur que je ressentais enfant, dans l’épicerie de ma grand-mère. C’est elle qui m’a appris à rendre la monnaie, à ranger les rayonnages… C’est là qu’est né mon goût pour le merchandising et la gestion des stocks. »
Diplômée à 22 ans de la faculté de pharmacie de Toulouse, Anne-Marie Rantet-Poux entame un tour de France des remplacements, « façon globe-trotter ». Puis elle prend un poste d’assistante à Saint-Nicolas de la Grave, dans le Tarn-et-Garonne. Elle y restera 13 ans, donnant libre cours à son penchant pour les thérapies naturelles : « Je faisais des "repas parlants", sortes de conférences pour apprendre à chacun à manger sainement ; j’ai développé le conseil en homéopathie, en phytothérapie, en acupuncture, en massages, en aromathérapie… Toutes ces disciplines étaient encore marginales… Voyez-vous, je me suis toujours un peu méfiée du médicament », avoue-t-elle.
En 1994, elle reprend une officine de Caussade (Tarn-et-Garonne). Faute de temps, elle met un bémol aux médecines douces : « Il y avait beaucoup de gardes, c’était un travail harassant. De plus, les thérapies naturelles avaient fait leur chemin et il fallait parfois freiner certains patients, leur expliquer que les plantes ne sont pas inoffensives. Mais, j’ai toujours envoyé mes préparateurs en formation homéopathie ou aromathérapie… bien avant que la formation continue ne soit obligatoire. »
C’est cette officine qu’elle a quittée l’an dernier, à 58 ans. « Je n’en pouvais plus. C’est pourtant une profession fabuleuse… même si j’aurais préféré vivre une autre époque, celle où l’apothicaire composait lui-même les médicaments. La chimie a pris notre place, nous faisant percevoir comme de simples commerçants ; même si l’on a toujours la responsabilité. »
Photos et arachnides.
Mais son début de retraite est douloureux : « Voir 200 personnes par jour, puis seulement mon mari, la transition fut difficile ; mes activités à la Société des sciences naturelles du Tarn-et-Garonne m’ont sauvée. » En effet, armé d’un petit appareil photo compact, elle se lance dans la réalisation de diaporamas sur les plantes. Traquant la beauté des fleurs, elle découvre que celles-ci, ne sont jamais aussi belles que « habitées » par un insecte ou… une araignée. Et là, c’est le coup de foudre ! « J’aime les mal aimés, les causes perdues, j’ai tout de suite aimé ces êtres méprisés. J’ai ressenti pour les araignées, la même empathie que pour les patients que je recevais dans mon officine. »
Cette nouvelle passion se fait dévorante. Anne-Marie Rantet-Poux consacre le plus clair de son temps à ses amies velues, guettant les espèces qui peuplent ses 4 000 m² de jardins, rampant dans l’herbe à la recherche des toiles magiques transformant la rosée en perles, apprivoisant l’attente, le plaisir de la photo. Elle s’intéresse aussi aux étonnantes propriétés de ses protégées à 8 pattes : leur fil, cinq fois plus résistant que l’acier ; leur venin, paraît-il plus efficace que le Viagra contre les troubles de l’érection…
Fini le blues de la retraite ! Anne-Marie Rantet-Poux craint même que sa passion ne l’entraîne hors de son jardin pour parcourir le monde et photographier les plus beaux arachnides. En attendant, ses meilleures images seront l’objet d’une exposition en novembre prochain, à la médiathèque de Graulhet (Tarn). « J’ai réussi ma vie dans la pharmacie, conclut-elle. Maintenant, je m’amuse. » Toutefois, certains soirs, elle confesse se sentir parfois en « mal de comptoir ».
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