S’IL N’EN RESTE qu’un, Albin Dumas sera celui-là. Viscéralement attaché à son Ardèche natale, ce descendant de paysans et d’instituteurs n’aurait pour rien au monde quitté son bout de paradis. « J’ai fait pharmacie pour pouvoir rester dans une région où l’industrie avait disparu », affirme-t-il d’emblée avant d’ajouter qu’il a pu ainsi prendre logiquement la suite de sa mère pour demeurer à « midi moins le quart ».
Installé dans un coin des Cévennes ardéchoises, près d’Aubenas, le titulaire de Lalevade ne se lasse d’ailleurs jamais de vanter les charmes d’un pays où il peut laisser libre cours à ses deux passions : l’ornithologie et la botanique. « Mon plus grand plaisir est d’aller voir un jeune aiglon s’éveiller sur le massif du Coiron », explique-t-il. Et de préciser aussitôt, non sans fierté : « le Coiron est le plus grand relief inversé d’Europe ».
Ce naturaliste, amoureux de la flore et de la faune, est intarissable sur l’histoire de son village. Lalevade est « situé sur la rive droite de l’Ardèche, en aval de la commune de Pont-de-Labeaume et du confluent avec la Fontaudière et tire son nom des barrages de galets – les levada – qui étaient installés sur la rivière pour créer des canaux de dérivation destinés à alimenter les cultures et à faire tourner diverses industries, dont les moulinages ».
Une foultitude de détails qui suffisent à prouver l’attachement du nouveau président de l’Association de la pharmacie rurale (APR) à ce pays, où « des petits retraités et des jeunes sans grands moyens se sont installés, attirés par un habitat peu cher ». Fervent défenseur de son terroir, Albin Dumas l’est tout autant de la pharmacie rurale. Un mode d’exercice « où chaque habitant connaît ses voisins et où l’entraide n’est donc pas un vain mot ». La relation avec la clientèle est « avant tout une relation de proximité, voire de communauté de vie », précise encore le président de l’APR. Autant de raisons qui ont incité ce père de quatre enfants, dont un médecin et deux pharmaciens, à choisir cette voie. « Malgré un contexte économique difficile - pour ne pas dire franchement mauvais -, si c’était à refaire, je n’hésiterais pas une seconde car j’apprécie tout particulièrement d’exprimer librement ma personnalité tout en m’occupant des autres sans que l’intérêt commercial ne prenne systématiquement le dessus. »
Enrayer l’hémorragie.
Une spécificité néanmoins en difficulté car les pharmaciens des champs ne se portent guère mieux que leurs confrères des villes. « Moins commerciale qu’en ville, avec 90 % du chiffre d’affaires réalisé avec des médicaments de prescription et un taux de substitution supérieur à 85 %, la pharmacie rurale souffre, depuis 2005, de la tension du marché », explique Albin Dumas qui se dit cependant « relativement épargné, et donc pas trop inquiet, car sans gros emprunt sur le dos ». Forte d’un chiffre d’affaires d’environ 1,5 million d’euros, son officine emploi cinq salariés dont un adjoint.
Cette situation est cependant loin d’être générale. Et l’association censée représenter les pharmaciens ruraux pâtit logiquement de la crise qui frappe l’officine. Ses rangs se sont ainsi petit à petit clairsemés. Mais, pour le nouveau président, le mal est plus profond. « En moins de dix ans, plus d’un millier de confrères ont quitté les rangs de l’APR », explique-t-il. Une hémorragie qu’il entend bien enrayer. Une tendance qu’il espère même inverser en affichant ouvertement son ambition de faire progresser le nombre d’adhérent de 30 % pour fédérer un pharmacien rural sur deux d’ici à trois ans. Un véritable challenge !
Livrer bataille.
Mais pas pour Albin Dumas, incurable optimiste. « La vie est un bonheur quotidien qui doit être savourée à chaque instant », répète-t-il régulièrement. Une philosophie qui l’a naturellement conduit à faire sienne la devise de l’APR : « Agir, unir, servir ». Une institution que le titulaire de Lavelade d’Ardèche connaît bien, par ailleurs, puisqu’il en a été secrétaire général, puis vice-président jusqu’en 2009.
Pas question pour autant de se faire un chantre de la morale. « Je n’ai rien d’un Jérôme Savonarole », se plaît-il à rappeler, en ne manquant jamais d’ajouter que son « modèle serait plutôt Lucius Quinctius Cincinnatus ». Cultive-t-il pour autant la ressemblance avec ce patricien paysan à qui une délégation de sénateurs vint demander de régner sur Rome alors que la tribu des Eques assiégeait l’armée romaine sur le mont Algide et qui, après avoir sauvé sa patrie, retourna à la terre et à ses travaux des champs sans demander de récompense et sans tenter de conserver le pouvoir ?
Probablement ! En déclarant vouloir permettre à l’association de reprendre pied dans les départements où elle n’est plus présente, comme la Drôme, il sait qu’il va devoir livrer bataille. Et la bataille promet d’être âpre, puisque le nouveau président souhaite donner aux délégués de l’APR les moyens de participer aux discussions avec les syndicats. En clair, de s’exprimer dans le cadre de la désertification sur les questions qui touchent au réseau, au maillage, aux aides à l’installation, aux soutiens aux officines isolées…
Une ambition qui ne rime cependant en rien avec naïveté puisque l’initiateur de la cartographie démo-géographique de la profession, qui aboutira au vote de la loi mettant fin aux créations par dérogation, est familier de tous ces sujets. « C’est un objectif logique pour un officinal simplement désireux de venir en aide à ses confrères et de montrer ainsi sa reconnaissance à l’égard de ceux qui ont bâti l’APR », explique-t-il simplement. Reste à savoir si les trois années à venir lui suffiront pour y arriver… Mais pour ce Méridional de 55 ans, la question ne se pose pas. Albin Dumas est de ces hommes de conviction qui ne regarde jamais derrière eux, si ce n’est pour tirer de l’histoire les leçons qui forgeront l’avenir.
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