« IL FAUT déculpabiliser le handicap, ce n’est pas aux patients de s’adapter à nos officines. Notre rôle dans la santé publique est de limiter les contraintes pour les patients », explique Sophie Sergent-Decherf, pharmacienne à Liévin (Pas de Calais). Celle-ci, avec huit autres pharmaciens du Nord et du Pas de Calais, ont été volontaires pour subir un diagnostic sur l’accessibilité de leur officine. Les résultats ont été connus le vendredi 21 septembre, et entraîneront des travaux et des aménagements. « La loi de février 2005 sur l’accessibilité des établissements recevant du public (ERP) entre en vigueur le 1er janvier 2015, rappelle Jean-Marie Monier, directeur du pôle accessibilité de l’agence Crysalide, à Clichy (Hauts de Seine), en charge de ces diagnostics. La loi concerne les personnes "en situation de handicap" (dont temporaire), c’est-à-dire souffrant d’une déficience motrice, visuelle, auditive, ou intellectuelle. Les commerces sont des ERP qui doivent se mettre en conformité, ou obtenir une dérogation en cas de réelle impossibilité technique. »
À l’officine de Liévin, premier obstacle : deux marches à l’entrée. Le diagnostiqueur est aussi conseil. La pharmacie est à l’angle de deux rues. Trois solutions peuvent rendre l’accès conforme : une rampe de 7 m de longueur (il faut 3 m pour compenser une marche) ; l’aménagement d’une petite porte sur un côté, utilisée pour les livraisons ; l’ouverture d’une vitrine. Sophie Sergent-Decherf voit le coût de la rampe qui suppose de défoncer le sol dans l’officine, et complique l’aménagement intérieur. Elle trouve peu d’intérêt à élargir la petite porte, ce qui n’apporterait aucune plus-value, mais elle est séduite par l’idée de Jean-Marie Monier d’ouvrir une des vitrines. Il faudra repenser l’organisation intérieure, obtenir l’accord de la mairie pour surélever le trottoir, mais la titulaire trouve cela positif.
Des quantités de détails.
Le diagnostic relève aussi l’absence d’ergots pour signaler la marche, de parties basses sur les têtes de gondole des présentoirs repérables par la canne d’un mal voyant, d’un affichage visuel des prix pour les mal entendant. « On trouve ces difficultés dans la plupart des commerces, insiste Jean-Marie Monier : marches à l’entrée, non-sécurité des escaliers, éclairage trop faible, accès aux équipements, aux cabines, aux caisses, accueils ou passages surchargés. C’est vrai dans l’ancien, mais même dans le neuf après 2007 (année de publication des décrets d’application de la loi), car les architectes n’étaient pas formés. » Le diagnostiqueur souligne les quantités de détails qui rendent, ou non, un local accessible à tous. Il parle ainsi du ferme-porte trop dur pour une personne âgée, de la porte en verre trop propre et sans repère pour le mal voyant, etc. « Beaucoup de commerçants ne comprennent pas l’esprit de la loi. Ils ne voient que le coût. Nous devons prioriser les données, préciser le plus urgent. Certains nous demandent aussi un diagnostic énergétique. »
Engagée de longue date dans des démarches bénévoles pour la santé publique, et « pour tout ce qui valorise l’officine et développe l’outil de travail », Sophie Sergent-Decherf a trouvé naturelle la recherche d’une meilleure accessibilité. « Notre cœur de clientèle a entre 45 et 60 ans, précise-t-elle. Dans quelque temps, ils seront âgés. J’interviens parfois à la CCI comme professionnelle de santé et commerçante, j’ai sauté sur l’occasion quand j’ai entendu parler des diagnostics. Mon associé et moi avions prévu de refaire des travaux, mais pas sans ce diagnostic puisque nous connaissions l’obligation de 2015. Des officines ne pourront pas se mettre en conformité, cela entraînera des fusions, mais beaucoup de conseils du diagnostic sont faciles à mettre en œuvre : afficher le prix, signaler une marche, un présentoir. »
« Je suis engagée dans l’union régionale des professions de santé. Je voulais être volontaire pour dire ensuite aux confrères : allez-y, ce n’est pas compliqué, poursuit-elle. C’est une contrainte, mais elle peut faire évoluer positivement notre activité. »
C’est la chambre régionale de commerce (CRCI) du Nord Pas de Calais qui a lancé l’opération, concernant à ce jour près de quatre-vingt-dix commerçants de la région, dont neuf pharmacies. Le diagnostic (395 euros HT) est payé par la chambre, 90 euros restant à la charge du commerçant. Le surcoût des travaux chiffré par le diagnostic pour la pharmacie de Liévin est estimé à 15 000 euros HT. « 10 % des diagnostics aboutissent à des demandes de dérogation pour impossibilité technique », estime Jean-Marie Monier. On peut penser que cela ne devrait pas trop concerner d’établissements de santé. Tout le monde devra donc être prêt le 1er janvier 2015. Au-delà, les tribunaux pourront condamner pour discrimination.
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