J’ESPÈRE pour vous que vous n’êtes pas comme moi, et que, arrivé à un certain âge (et pas du tout un âge certain, maintenant que j’y pense) vous ne vous êtes pas aperçu que, pour lire au lit, le soir, à la lumière de votre lampe de chevet munie d’une ampoule écologiquement correcte mais plutôt faiblarde, vous étiez obligé de sortir une bonne longueur de bras de dessous la couette, au péril de votre bien-être douillet puisque, forcément, vous suivez les conseils de tous les spécialistes, et vous ne chauffez pas votre chambre l’hiver. En dehors du fait que cette première phrase est légèrement trop longue, je me demande si la réalisation qu’on est vraiment en train de vieillir est soumise à des variations saisonnières, puisque, en été, on n’aurait peut-être même pas remarqué qu’il fallait tendre un peu plus le bras pour déchiffrer le charabia germano-français de Schmucke dans « Le Cousin Pons » de Balzac.
Après une première période avec des loupes de lecture de correction 1, puis 1.5, j’ai fini par me décider à passer par l’étape ophtalmo, et je suis devenue la propriétaire d’une véritable paire de lunettes à verres progressifs de luxe. Ça allait très bien dans la journée, pour lire les ordonnances, le Dorosz, le Vidal, les revues professionnelles, pour travailler sur l’ordinateur, faire des saisies informatiques, conduire, aller faire les courses… Mais le soir, seule à seul avec Balzac, je me retrouvais en manque, j’en avais besoin, et je continuais à utiliser mes loupes de lecture. Au bout de deux ans, j’ai changé de lunettes et, cette fois, j’ai eu droit à une correction en haut et une correction en bas de mes verres à nom composé, traités contre tout, les reflets, les rayures, les salissures…
N’empêche, j’étais toujours accro à mes loupes, que ce soit pour Balzac, Edith Wharton ou Janet Evanovich (si vous ne la connaissez pas, je vous conseille sa série de romans tout foufous avec son hilarante héroïne chasseuse de prime, la maladroite Stéphanie Plum). Mais tout dernièrement, j’ai été choquée de m’apercevoir que ma paire de correction 2.5, oui, vous avez bien lu, 2.5, était devenue très approximative. Je lisais un mot pour un autre, la phrase n’avait pas de sens, je ne comprenais pas ce que l’auteur voulait dire… Il me fallait du 3 ! Je me suis mise en quête il y a quelques jours. Première pharmacie, grand espace para, tourniquet placé tout au fond, dans un recoin, prix attrayants mais modèles de qualité very médiocre, je laisse tomber. Deuxième pharmacie, présentoir placé près de l’entrée, modèles chers, pas beaucoup de choix, et deux personnes qui se plantent à côté de moi sans rien dire, je m’en vais.
Troisième pharmacie, toute en longueur, quelqu’un s’approche pour me prendre en charge aimablement, m’accompagne au présentoir, m’aide à choisir en faisant des plaisanteries, les modèles et les prix sont corrects. J’achète. Le soir même, sans effort, à l’abri sous la couette, j’ai trouvé que la prose d’Henning Mankell retrouvait son sens. Mes remerciements et ma reconnaissance vont à cette blouse blanche dont j’ai apprécié la prévenance, et qui a même trouvé le moyen d’assortir mes loupes à un étui girly du plus beau rose fuchsia.
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