À l’heure du numérique, les applications sont présentées comme de nouveaux vecteurs de simplicité, tous secteurs confondus. Secteur privé, secteur public, tous y vont de leurs solutions censées simplifier la vie de ceux qui évoluent en officine, personnel comme patientèle. Et l’officine ne fait pas exception.
Les éditeurs de logiciels et les groupements de pharmacies se sont insérés sur ce marché et développent leur propre offre d’applications à destination de leurs adhérents, mais aussi de leurs clients. Car l’objectif est double pour les groupements. Répondre à des usages propres au pharmacien et aux attentes de leur patientèle.
Simplifier la vie en officine
Logiquement, beaucoup d‘applications développées par les éditeurs ou les groupements se destinent en premier chef aux pharmaciens partenaires. Chez Pharmagest, division du Groupe Equasens dédiée aux pharmacies, nombre d’applications concernent directement la vie de l’officine et les besoins des pharmaciens. Et ce, afin de faciliter la mobilité du pharmacien en matière de logistique, ou encore de gestion de commande. À ce titre, OffiPDA régule la gestion logistique. « Cette application permet de prendre en charge la gestion des stocks ainsi que le merchandising », développe Jean-Michel Monin, directeur de la division Pharmagest.
Avec une petite particularité toutefois. Ladite application ne s’installe pas sur un smartphone classique, mais sur un terminal mobile professionnel, sous Android, nommé « Zebra ». Ce système multitâche s’inscrit dans une logique de productivité et peut embarquer plusieurs applications à cet effet. À partir dudit terminal – lequel exécute l’application OffiPDA –, il est dès lors possible de réceptionner les commandes en limitant les risques d’erreurs dues aux saisies multiples. Autres fonctionnalités désormais au programme : la réalisation d’inventaires de marchandises en temps réel, puis le contrôle des stocks et des prix en vérifiant le prix de vente et l’édition de nouvelles étiquettes facing, si besoin. « À tout moment, le titulaire dispose d’informations directement accessibles afin de venir en aide au client », ajoute Jean-Michel Monin.
Numérisation des factures
Du côté de Pharmacop aussi, des services sont directement axés sur la gestion d’officine. « Nous proposons Digipharmacie, une solution de numérisation des factures pour nos adhérents, afin qu’ils retrouvent leurs factures en un clic », explique le président du groupe, Laurent Filoche. Citons également cette autre solution de Pharmacorp, « Mypharmacorpteam », développée en interne, qui permet de réaliser et gérer les plannings des différentes équipes – vendeurs, préparateurs et rayonnistes. « C’est très important pour notre groupement de faire économiser au pharmacien au moins un équivalent temps plein qui gère le back-office », justifie Laurent Filoche. Le président du groupe explique échanger régulièrement avec ses adhérents sur Telegram, afin de faire directement remonter leurs besoins.
Interopérabilité
Ces systèmes unifiés reposent souvent sur une articulation avec les LGO. « OffiPDA est un peu une extension de notre LGO. L’application se connecte directement à notre logiciel de gestion officinale (anciennement LGPI devenu id. N.D.L.R.) et toutes les informations scannées et les tâches exécutées en mobilité avec le Zebra y sont directement consultables », indique Jean-Michel Monin. Sans surprise, cette interopérabilité se limite évidemment aux solutions Pharmagest
Boulimie de services à distance
Concurrence oblige, c’est aussi la clientèle qui est au cœur du développement des applications des groupements. Avec un seul mot d’ordre : le service. Au-delà de la gestion, ces applications visent forcément un objectif purement commercial. En facilitant par exemple la vente mobile de produits de parapharmacie. Disponible sur l’appareil Zebra, ID.mobilité, de Pharmagest, va ainsi permettre d’effectuer des ventes directement au sein des rayons. Un membre de l’équipe va accueillir le client, le conseiller en manipulant et en flashant le produit. Si la file d'attente est longue, le membre de l’équipe va être en mesure de fournir un numéro qui suffira à régler rapidement son panier une fois au comptoir. Ces dispositifs ont vocation à intégrer des systèmes de paiement à l’avenir.
L’application MaLeader Santé, du groupe Leadersanté, propose, quant à elle, un service de livraison de médicaments et de produits parapharmaceutiques à domicile, du click&collect, ou encore de la transmission d’ordonnance.
Pour se démarquer du voisin, les groupements font finalement tous un peu la même chose. Et ce, en proposant à leur patientèle des applications axées sur la mobilité des soins. Ces applis créent un flux d’échanges entre pharmacien et patients. Il va être possible, par exemple, d’envoyer des ordonnances, de prendre rendez-vous avec son pharmacien, de recevoir des rappels de prise…
Une offre qui ne doit pas moyer le client
Myleader santé (groupe Leadersanté), Mon Espace Santé… Cette offre pléthorique de services numériques, résultant de groupements ou de MedTech, n’aurait-elle pas tendance à noyer le patient sous l’offre, au risque de lui compliquer la vie ? Quand Pharmagest décide de développer une application maison, avec Pandalab Ma Santé, d’autres font le choix de se reposer sur des applications préexistantes, par facilité, mais aussi pour ne pas perdre le patient avec une énième solution. « Nous n’allons pas réinventer la roue alors qu’il existe déjà des systèmes qui fonctionnent très bien », justifie Laurent Filoche. « C’est pourquoi nous avons développé un partenariat en marque blanche (c’est-à-dire, proposer les services d’une autre entreprise à un tiers, en faisant en sorte que cela apparaisse comme votre marque, N.D.L.R.) avec MeSoigner. Et ce, pour la gestion courante de nos ventes en ligne, click & collect, le partage d’ordonnance ou encore la prise de rendez-vous pour une vaccination Covid. »
Les groupements tentent aussi de se démarquer en développant des flux d’échanges entre professionnels de santé. À l’image de PandalabPro (Pharmagest). « Ces outils collaboratifs servent à s’échanger des rapports, des diagnostics pour obtenir des réponses », détaille Jean-Michel Philippe Monin. Par exemple, si un pharmacien a un doute sur un risque d’iatrogénie médicamenteuse sur une ordonnance, il peut tout à fait utiliser cette application pour demander l’avis d’un médecin. Certaines applications embarquent même des bases de données médicaments et même des lecteurs de radio…
Ces sortes de parcours de soins augmentés sont également assurées par Mon Espace Santé de la caisse nationale d'assurance maladie (CNAM). Service qui héberge les données de santé des patients et qui propose un service de messagerie sécurisée, un agenda santé, ainsi qu’un catalogue de services numériques agréé par l’État.
Quid de la sécurité ?
Toutes ces données de santé exploitées sont une mine d’or au cœur même des services numériques des groupements. Une mine d’or qu’il est impératif de protéger. Damien Valicon, directeur de l’activité Pharmacie France chez Equasens, explique que « toutes les données exploitées par nous sont stockées en France sur des serveurs certifiés HDS audités régulièrement, et uniquement gérées par Equasens et Pharmagest. » Et d’ajouter : « Certains compétiteurs (sans les citer, N.D.L.R.) hébergent des données sensibles sur des serveurs d’AWS (le service cloud d’Amazon, N.D.L.R.). Nous nous interdisons de laisser la gestion de nos données à des professionnels, qui ont vocation à traiter la santé à échelle internationale. » De par leur taille, les groupements ont généralement les épaules suffisamment solides pour fournir des services de sécurité à leurs adhérents basés sur des systèmes de cryptographie, d’authentification et de contrôles, ainsi que des pare-feu robustes qui permettent de définir quels types de communications sont possibles sur tels ou tels réseaux.
Lorsqu’il est question d’échanges avec les sous-traitants, comme dans le cas de Pharmacorp, la prudence est de mise. « Toutes les entreprises avec lesquelles nous travaillons sont obligatoirement conformes au Règlement général sur la protection des données (RGPD). C’est d’ailleurs elles qui portent la responsabilité dans la gestion des données », assure Laurent Filoche. Et lorsque c’est à Pharmacorp de gérer lesdites données, celles-ci sont stockées chez un HDS qui « normalement, a toutes les qualifications nécessaires ».
La responsabilité incombe aussi aux utilisateurs qui, pour limiter l’exposition au risque, doivent être suffisamment sensibilisés pour appliquer les bonnes pratiques en matière d’identification. C’est-à-dire, recourir à la double authentification au moment de se connecter aux services, utiliser des mots de passe forts régulièrement modifiés et ne pas communiquer ces informations à un tiers… Reste que, malgré toutes les précautions, en matière de cybersécurité, le risque zéro n’existe pas.