Principe de la déduction fiscale et différence avec la provision pour dépréciation d’un fonds de commerce
L’amortissement d’une immobilisation est un terme comptable qui définit la perte de valeur d’un bien acquis par l’entreprise liée à l’usure ou l’obsolescence. Il est traduit par une écriture comptable passée chaque année pour constater cette perte de valeur. On parle alors d’une charge calculée car il n’y a pas de sortie de trésorerie. En pratique, cela permet au lecteur d’un bilan d’apprécier facilement l’état général du matériel ou des agencements. De plus, cette charge est déductible fiscalement et par conséquent réduit l’impôt sur les sociétés et sur le revenu. Dans ce contexte, le fisc aide également, par une économie d’impôt, l’entreprise, à mettre de l’argent de côté pour renouveler ses immobilisations.
Le fonds commercial est une des composantes du fonds de commerce : il s’agit principalement, pour une officine, de la clientèle, de la licence d’exploitation et du nom commercial. Sur le plan comptable, il s’agit d’un actif incorporel qui est présumé avoir une durée de vie illimitée contrairement aux actifs corporels comme les agencements ou le matériel qui eux s’usent avec le temps et qui sont, de facto, amortissables.
Depuis 2016, la règle comptable permettait d’amortir un fonds de commerce dans certains cas, mais l’administration n’acceptait pas la déduction fiscale jusqu’à récemment. En effet, dans le cadre des dispositions post-Covid les choses ont évolué.
Il convient de rappeler qu’après la crise financière de 2008, des dépréciations du fonds ont commencé à être pratiquées lorsque la valeur des fonds officinaux avait fortement baissé dans un marché déflationniste. Il s’agissait d’ajuster la valeur comptable du fonds acheté à un instant T à la valeur réelle. Si les conditions assez drastiques posées par l’administration fiscale étaient respectées, cette provision était déductible fiscalement. Depuis le 1er janvier 2022, suite au dispositif dit « post-Covid », il est désormais possible de déprécier mais aussi d’amortir le fonds officinal en respectant un certain nombre de conditions.
À qui s’adresse ce nouveau texte d’exception ?
Ce dispositif est une dérogation au principe qui veut que les fonds commerciaux ne soient pas amortissables « fiscalement ». Il s’agit donc d’un texte d’exception visant à alléger la charge d’impôt lors des premières années d’acquisition d’une entreprise. C’est pourquoi cette possibilité est limitée dans le temps. Ce texte vise les petites entreprises soumises à l’impôt sur les revenus et à l’impôt sur les sociétés.
Le chiffre d’affaires doit être inférieur à 12 millions d’euros hors taxes, le total du bilan inférieur à 6 millions d’euros et l’officine doit employer moins de 50 salariés. Le texte concerne les acquisitions entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2025.
Étant donné qu’il s’agit d’une adaptation temporaire du traitement fiscal de l’amortissement comptable, il est obligatoire de calculer dans les comptes de la pharmacie un amortissement comptable pour que celui-ci soit déductible au plan fiscal. Cette charge ainsi calculée va faire baisser de manière significative à la fois le résultat comptable et le résultat fiscal sans obérer en quoi que ce soit la trésorerie, bien au contraire puisque les impôts et les cotisations sociales TNS calculés sur le résultat minoré seront plus faibles voire inexistants : c’est l’intérêt du dispositif !
Attention, si vous vendez à un autre pharmacien des parts ou actions, vous n’êtes pas éligible à ce dispositif qui ne vise que les ventes de fonds. C’est un problème pour beaucoup d’acquéreurs car le marché officinal de la transaction est aujourd’hui essentiellement fait des ventes de titres de société. En pratique, il faudra détricoter des montages juridiques parfois complexes pour que le nouveau titulaire puisse acheter un fonds et non des parts, ce qui n’est pas toujours dans l’intérêt du vendeur sur le plan fiscal.
Calcul de l’amortissement, avantages fiscaux et sociaux
Le fonds officinal pourrait être amorti par part égale sur une durée maximale de 10 ans. Par exemple, pour un fonds acquis 1 million d’euros, c’est une déduction comptable et fiscale de 100 000 euros par an.
Concernant le plan fiscal et le plan des cotisations sociales du titulaire, si la pharmacie est très endettée avec de gros remboursements d’emprunt, il est probable que l’officine n’aura pas ou peu d’impôts à payer pendant les premières années. Concernant les cotisations sociales, cela dépendra du régime fiscal et pour l’impôt sur le revenu, cela donnera lieu à d’importantes économies également. Nous pouvons parler d’un effet de levier fiscal et social, lequel à l’évidence facilitera l’opération de rachat par rapport à l’achat de titre de société. C’était l’objectif du texte.
Les points de vigilance à étudier avec son expert-comptable ou son avocat fiscaliste sont multiples
La plus-value, lors de la revente de la pharmacie, se calculera sur une valeur d’achat potentiellement faible ou égale à zéro. Cependant, certains textes fiscaux exonèrent le cédant totalement ou partiellement de l’impôt sur la plus-value en particulier lors du départ en retraite et concernant les petites officines. Sur le plan de la présentation des comptes, l’officine dégagera mécaniquement de faibles résultats voire des déficits qui ne seront pas forcément du goût des banquiers ou des autres prêteurs puisque les fonds propres deviendront faibles ou négatifs. Plus ennuyant, l’officine ne pourra verser de dividendes faute de bénéfices durant les premières années ce qui peut effrayer les investisseurs non exploitants. À cela, il faut ajouter qu’en payant de faibles cotisations en matière de retraite, le pharmacien titulaire aura à la clé une pension minorée.
Se faire accompagner sur une décision avec autant de conséquences est essentiel. L’expert-comptable ou l’avocat fiscaliste vous expliqueront les enjeux fiscaux et financiers pour faire un choix éclairé en fonction de votre situation précise. Il est important de ne pas voir uniquement les avantages fiscaux et donc financiers à court terme car en France soit on paye au départ soit on paye à l’arrivée ! Certes sur des fonds de faible valeur comme les petites officines, le titulaire peut bénéficier de dispositifs d’exonération de plus-value. Mais en général, pour ces officines, le problème n’est pas vraiment d’ordre fiscal mais réside plutôt dans le fait de trouver un acquéreur.
Article écrit en collaboration avec Philippe Becker, Consultant du Département Pharmacie de Fiducial