Alexis Sean, 31 ans, est adjoint dans une officine parisienne. La situation n'a rien d'exceptionnel. Sauf quand on s'intéresse de plus près à ce jeune homme, aux passions qui l'animent et qui le guident chaque jour en tant que pharmacien.
Observer l'histoire pour construire demain.
Passionné par l'histoire de l'art, de la médecine et de la pharmacie, ce « dada », comme il dit, le pousse à porter un regard paradoxalement moderne sur sa relation avec les patients : « L'étude d'une œuvre artistique permet d'observer un fait ou un événement à travers le point de vue de quelqu'un d'autre. S'intéresser à une œuvre aide à prendre conscience de l'altérité du monde. Et admettre la diversité culturelle et humaine qui nous entoure ne fait que renforcer notre capacité à nous adapter. Or, selon moi, l'adaptabilité est une qualité essentielle à l'officine. »
Alexis Sean s'est toujours intéressé à la culture en général, à la peinture en particulier, au point d'y dédier sa thèse d'exercice. Intitulée « Cézanne, Manet, Renoir, Degas : une approche de l'impressionnisme sous l'angle de la botanique et de la pharmacie », ce travail original l'a forcé à chercher ce qu'il y a derrière le tableau, à s'intéresser à la vie d'un maître comme Renoir, qui n'aurait jamais pu peindre sans des bandes Velpeau : « Renoir se servait de ces bandes pour attacher les pinceaux à sa main déformée par la polyarthrite ». Sans le MAD (maintien à domicile), la maladie aurait-elle privé le monde des « baigneuses » ? Diplômé depuis 2018, le jeune pharmacien continue d'assouvir sa passion pour l'art et l'histoire, en publiant au sein de la Société d'histoire de la pharmacie : « j'ai réalisé un article sur la virologie et je prépare un second texte sur la présence supposée d'eau de Botot sur le radeau de la méduse, en m'appuyant sur le célèbre tableau de Géricault et sur les nombreux témoignages des naufragés. »
Des sciences à l'art pharmaceutique.
Pour Alexis Sean, le monde de l'art et le monde scientifique sont, à tort, sectorisés alors qu'en réalité, ils sont largement interconnectés. Ce sont ces interactions qu'il cherche à percer pour améliorer sa pratique. « Je me questionne souvent sur la notion d'art pharmaceutique, sans perdre de vue que le diplôme de pharmacien repose avant tout sur une formation scientifique. À mon avis, l'un n'empêche pas l'autre car, une fois ces fondamentaux acquis, il est possible de s'émanciper pour développer un exercice très personnel. Un peu comme le peintre ou le musicien vont utiliser l'enseignement qu'ils ont reçu pour en faire soit un chef-d’œuvre, soit une simple reproduction. Ce qui fait la différence et qui permet de tendre vers l'art, à mon avis, c'est la capacité de se remettre en cause, de remettre en question son savoir et son savoir-faire. »
Devenir un peu plus pharmacien chaque jour.
Curieux et imaginatif, Alexis Sean a remporté cette année le premier prix du concours de l'agencement de la pharmacie de demain, créé par l'Association des états généraux du premier recours en partenariat avec le « Quotidien du pharmacien »* ; son projet s'est notamment démarqué par le laboratoire de recherche en sciences pharmaceutiques qu'il propose d'installer dans les officines. « Il est temps de développer la recherche sur l'intervention pharmaceutique, et de publier des articles pour mieux décrire le conseil pharmaceutique ou l'optimisation thérapeutique lors d'une dispensation. J'aime bien dire que la pharmacie, c'est le Far West : tout est à construire, sur la base de notre histoire et de notre expérience. »
Jamais rassasié, cet amateur de courses d'endurance souhaite reprendre des études en histoire des sciences pour l'aider à poursuivre son cheminement et sa réflexion sur son métier : « En marathon ou semi-marathon, ce qui m'intéresse c'est de relever le défi. J'aime repousser toujours plus loin mes limites. » Les parents d'Alexis ont décidément été très inspirés lorsqu'ils ont incité leur fils à s'engager dans des études de pharmacie.
* Voir notre édition du 8 septembre.