Essais cliniques

Le placebo, sans le mensonge

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Publié le 31/10/2016
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L'effet placebo n'en finit pas de malmener notre rationalisme scientifique. Au début du XIXe siècle, Sir Joseph-Francis Olliffe, médecin de la cour de Napoléon III, s'amusait déjà à prescrire contre l'impuissance et la frigidité le mélange : « Aqua fontis (60 g) - Illa repetita (40 g) - Idem stillata (10 g) - Hydrogeni protoxyde (0,30 g) - Nil aliud (1,25 g) ». Malgré de brillants résultats, il fut disgracié quand un latiniste eut éventé la mèche : sous les noms savants se cachait toujours le même ingrédient : Aqua fontis (eau de fontaine), Illa repetita (la même répétée), Idem stillata (la même distillée), Hydrogeni protoxyde (H2O), Nil aliud (rien autre chose)… Aujourd'hui, on sait que deux mécanismes psycho-physiologiques peuvent expliquer l’effet placebo : la suggestion et le conditionnement. Autrement dit, on sait que l'effet placebo dépend de la conviction des patients de recevoir un médicament pharmacologiquement actif alors qu'il ne l'est pas. Mais une étude récemment parue dans la revue « Pain » vient bousculer cette évidence. Elle suggère en effet qu'un médicament placebo présenté comme tel aux malades agiraient quand même pour réduire leurs symptômes. Méthodologiquement, on parle alors d'« Open placebo ». En pratique, les scientifiques ont expliqué aux volontaires l'effet des médicaments placebo. Les 97 participants, souffrant tous de lombalgie chronique, ont ensuite été séparés en deux groupes. Le premier, dit « groupe témoin », a reçu un AINS, tandis que l'autre groupe recevait AINS + un placebo présenté comme tel. Résultat ? Le second groupe a vu une diminution de 30 % de ses douleurs chroniques alors que le groupe témoin a observé une diminution de seulement 9 %. Le fait d'avaler un comprimé, même sciemment inactif, serait donc suffisant pour engendrer un effet bénéfique conclut l'auteure principale de l'étude, Claudia Carvalho. En sortant de l'ombre du mensonge, l'effet placebo gagnera-t-il ses lettres de noblesse ?

Didier Doukhan

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3299