Lutte contre le gaspillage

Généralisation de la dispensation à l’unité : une bonne idée, vraiment ?

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Publié le 20/11/2025
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Obsession des pouvoirs publics et d’un bon nombre de Français pour lutter contre le gaspillage de médicaments, la dispensation à l’unité n’en finit plus de s’incruster dans le débat, grappillant chaque fois un nouveau périmètre. La Cour des comptes vient de publier un rapport pesant le « pour » et le « contre ».

Les députés ont déposé plusieurs amendements pour rendre la DAU obligatoire

Les députés ont déposé plusieurs amendements pour rendre la DAU obligatoire
Crédit photo : VOISIN/PHANIE

Brandie à tour de rôle par les politiques, les pouvoirs publics, les médias et bon nombre de citoyens comme LA solution pour réduire le gaspillage des produits de santé, et accessoirement assurer le bon usage des médicaments, la dispensation à l’unité (DAU) est depuis 2017 en quasi-permanence sur le devant de la scène. Promesse d’Emmanuel Macron alors candidat à l’élection présidentielle, la DAU a depuis été de tous les débats sur le budget de la Sécurité sociale. Sortie à chaque fois par la porte, elle revient finalement par la fenêtre dans la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire promulguée en février 2020 (loi Agec). Circonscrite à la dispensation des stupéfiants depuis des années, elle a été ouverte en 2022 à la dispensation des antibiotiques dans le cadre de la lutte contre l’antibiorésistance. Depuis la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2024, elle peut devenir obligatoire pour pallier les ruptures de stock de médicaments. Ce fut le cas en 2025 pour la quétiapine, par exemple.

Certains veulent encore aller plus loin et visent une généralisation. Lors des discussions sur le PLFSS pour 2026, les députés ont déposé plusieurs amendements pour rendre la DAU obligatoire « chaque fois qu’elle est possible ». Les amendements n’ont pas eu le temps d’être discutés à l’Assemblée nationale, mais ils ont été réintroduits par les sénateurs.

Dans l’attente de la fin des débats, il faudra cependant tenir compte de l’avis de la Cour des comptes, rendu le 7 novembre. Dans leur rapport, les sages de la rue de Cambon rassurent les pharmaciens : la DAU, qui ne représente que 0,08 % des dépenses de médicaments délivrés en ville, ne saurait être généralisée en l’état actuel.

La Cour des comptes recommande une rémunération ad hoc pour les pharmaciens

Le modèle français pas vraiment adapté

Premier frein : « La boîte est le support de l’authenticité, de la traçabilité et de la sécurisation du médicament », rappelle la Cour. Ensuite, la DAU ne pourrait s’appliquer qu’aux formes orales sèches, hors traitements chroniques stabilisés, soit « 52 % du nombre de boîtes de médicaments vendues en officine et 15 % de la dépense de médicaments délivrés en ville », calcule la Cour, qui estime le gain financier à 450 millions d’euros, sans compter les coûts de l’acte de délivrance en pharmacie.

De plus, généraliser la DAU nécessite « une profonde mutation » de l’organisation du système de distribution du médicament et de revoir tout le système de tarification, facturation, gestions de stocks. Pour la Cour, « les risques sur les plans organisationnels, financiers et humains d’une mutation du régime de délivrance à la boîte en vigueur en France vers un régime général de DAU sont élevés au regard des gains pouvant en être attendus. »

Il semble ainsi plus raisonnable de rendre la DAU obligatoire « de manière sélective, s’agissant au moins des antibiotiques, des médicaments les plus dangereux ou onéreux, et en cas de pénurie », conclut la Cour. Ce qui change peu par rapport à la loi actuelle. Elle recommande cependant une rémunération ad hoc pour les pharmaciens.

Pour réduire la délivrance de médicaments en excès, la Cour propose d’autres pistes qui ne nécessitent pas de changement radical et qui ne sont pas nouvelles : adapter les conditionnements, développer la préparation des doses à administrer (PDA) qu’il est urgent d’encadrer et ce dès 2026, impliquer davantage le pharmacien en faisant de la juste délivrance de médicaments une nouvelle mission. La Cour évoque notamment la dispensation adaptée, abandonnée après son expérimentation, et propose de laisser l’officinal gérer le démarrage d’un traitement chronique, qui peut nécessiter des ajustements de dosage ou des changements de produits. Des idées à appliquer d’ici à la fin 2027.

Anne-Hélène Collin

Source : Le Quotidien du Pharmacien