Un rein pour tous, tous pour un rein

Et si tout un chacun devenait un donneur universel d’organes ? Aux oubliettes les incompatibilités génétiques, on trouverait un rein sous le sabot d’un cheval. Si l’on est encore loin de cette réalité, une équipe sino-canadienne touchant ce rêve du doigt vient de publier ce qui ressemble à un premier pas vers l’impossible. Le point de départ pour convertir un organe d’un groupe sanguin vers un autre réside dans le développement d’enzymes hautement actives, hautement spécifiques et efficaces à basse concentration. Découverts en 2019, ces outils biologiques sont capables de retirer les sucres définissant à la surface des cellules le groupe sanguin d’un individu. Dans les travaux parus dans « Nature Biomedical Engineering », ces enzymes découpent le sucre déterminant le groupe sanguin A, donnant naissance à un groupe sanguin O, le groupe donneur universel. En d’autres termes, ces catalyseurs transforment les cellules A qu’elles rencontrent en cellules compatibles avec tous les groupes sanguins. Étape suivante : la greffe. Le rein ainsi obtenu a ensuite été transféré à un patient en état de mort cérébrale, avec succès. Durant deux jours, le rein a fonctionné sans signe de rejet de la part de l’hôte. Le troisième jour, les scientifiques ont noté que le corps commençait à accepter le nouvel organe, avant de manifester des signes d’une légère réaction immunitaire. Celle-ci était cependant bien inférieure à une réaction de mésappariement classique. Une grande réussite, puisque le système immunitaire ne met généralement que quelques minutes à détruire un organe reçu qu’il juge incompatible. Les auteurs de l’étude soulignent que cette approche est une rupture, parce qu’elle consiste à adapter le greffon et non le système immunitaire du receveur. Une opportunité, donc, d’éviter une opération médicamenteuse lourde et de redonner de l’espoir aux patients en attente d’une greffe, dont plus de la moitié sont du groupe sanguin O.