Depuis le début de la campagne de vaccination contre la grippe, Colette Brémont voit défiler les bras de ses patients. À 77 ans, elle vaccine chaque jour une dizaine de personnes. En plus de les immuniser contre ce virus, elle les écoute, entend leurs joies et leurs peines, toujours avec le sourire. « J’ai pleuré et ri avec tous, j’ai connu plusieurs générations, vu tant de familles évoluer », résume l’officinale. Lors de ses études à Toulouse, elle s’était promis de revenir chez elle et d’ouvrir une pharmacie au sommet de la petite côte où se trouve son quartier d’Eysses. Une « ville dans la ville » de Villeneuve-sur-Lot, qui, au milieu des années soixante-dix, manquait cruellement d’une officine. « Les patients âgés devaient “descendre” jusqu’au centre-ville pour aller chercher les médicaments. Ce n’était pas toujours simple », se souvient Colette Brémont. En un demi-siècle, les bons moments ont alterné avec d’autres beaucoup plus tristes. Comme il y a dix ans, « lorsque le dernier médecin du quartier a quitté son cabinet après le décès de ses deux enfants », raconte-t-elle avec émotion. Les plus joyeux aussi, comme ce 3 novembre 2025, quand de nombreux patients sont venus lui offrir des fleurs pour fêter les 50 ans de son officine.
Vignette et champignons
En cinq décennies, elle a naturellement vu son métier se transformer. Colette Brémont raconte l’époque où elle passait une grande partie de sa journée à « coller des vignettes sur les ordonnances pour les transmettre à la Sécu », où les patients venaient « étaler leurs champignons sur le comptoir » pour solliciter son expertise. Ce temps où l’on pouvait encore joindre un médecin en cas de problème, où pénuries et tensions d’approvisionnement n’étaient qu’un lointain mirage. « Ces pénuries, c’est une horreur. Les patients le prennent mal, ils pensent parfois que ce n’est de notre faute, que nous sommes trop laxistes… Quant aux médecins, je vous mets au défi de réussir en appeler un au téléphone. Il ne vaut mieux pas tomber malade un vendredi après 17 heures », ironise-t-elle. Elle observe aussi à regret moins de respect envers sa profession, mais Colette Brémont ne vit pas pour autant dans le passé. « L’informatique a quand même considérablement simplifié notre exercice », souligne-t-elle par exemple. Malgré une bonne humeur qui semble à toute épreuve, elle est cependant inquiète pour l’avenir. Celui de sa profession tout d’abord. « Avec les attaques de personnes comme M. Leclerc, les pharmacies se trouveront peut-être un jour dans des supermarchés comme au Canada. On finira peut-être par devoir vendre du whisky ou des guirlandes », imagine-t-elle non sans humour. Colette Brémont est surtout préoccupée par l’avenir de son officine. À ce jour, personne ne s’est manifesté pour lui succéder. « Si quelqu’un est prêt à racheter l’officine bien sûr que je suis prête à la vendre. En attendant, je continuerai à venir tant que je le pourrai », promet-elle, refusant d’imaginer son quartier sans pharmacie et ses employées sans travail. Une promesse dont on ne doute pas qu’elle sera tenue.
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