L’aspirine n’est pas recommandée en prévention primaire en population générale, mais son utilisation pour réduire le risque d’événement cardiovasculaire chez les patients atteints de diabète de type 2 pourrait se révéler pertinente. Les résultats préliminaires d’une étude présentée lors des sessions scientifiques de l’American Heart Association (7 au 10 novembre 2025, Nouvelle Orléans), semblent aller dans ce sens.
Les chercheurs de l’université de Pittsburgh ont analysé les données médicales de 11 681 adultes (61,8 ans d’âge en moyenne) suivis pendant 10 ans, vivant avec un diabète de type 2. Ces patients ont été classés en fonction de leur prise d’aspirine : ceux qui n’en utilisaient pas, ceux qui en utilisaient rarement (moins de 30 % du temps de suivi), ceux qui en utilisaient de temps en temps (entre 30 et 70 %) et fréquemment (plus de 70 %). Ces données proviennent toutes d’un registre hébergé par l’université de Pittsburgh, qui concentre les informations issues de 35 hôpitaux et 400 cliniques des États de Pennsylvanie, du Maryland et de la Virginie de l’Ouest.
Moins de crises cardiaques, d’AVC et de décès
Une très grande majorité (88,6 %) des participants prenait des faibles doses d’aspirine, et plus de la moitié (53,15 %) des statines. Le risque d’arrêt cardiaque était de 42,4 % chez les participants prenant de l’aspirine à faible dose contre 61,2 % chez ceux qui n’en prenaient pas, le risque d’AVC respectivement de 14,5 % et 24,8 %. Le risque de décès à 10 ans était lui aussi significativement différent : 33 % contre 50,7 %.
Quelle que soit la dose utilisée, la prise d’aspirine était associée à une baisse significative du risque d’arrêt cardiaque ou d’AVC
Quelle que soit la dose utilisée, la prise d’aspirine était associée à une baisse significative du risque d’arrêt cardiaque ou d’AVC, par rapport au groupe ne prenant pas d’aspirine. « Nous avons été surpris par l’importance de ces résultats, explique la Dr Aleesha Kainat, du centre médical universitaire de Pittsburgh et co-autrice de l’étude. Ce bénéfice était plus prononcé quand la prise d’aspirine durait pendant l’ensemble du suivi. » En analyse de sous-groupe, quelle que soit la glycémie ou le taux d’hémoglobine glyquée, la proportion de personnes prenant de l’aspirine restait la même. Mais l’effet de l’antiagrégant plaquettaire sur le risque cardiovasculaire était plus marqué lorsque les taux d’HbA1c étaient faibles.
Selon la Dr Kainat, « nous voulions mieux comprendre l’effet de l’utilisation de l’aspirine à faible dose dans cette population très spécifique d’adultes souffrant de diabète de type 2 avec un risque cardiovasculaire faible à modéré, qui ont pu ne pas être inclus dans de précédentes études ».
Les chercheurs ont exclu de leurs travaux les patients à fort risque hémorragique et n’ont pas non plus étudié la prévalence des événements hémorragiques dans la population étudiée. Cela constitue, de leur propre aveu, une limite importante, dans la mesure où les saignements constituent le principal effet secondaire de l’aspirine et doivent être pris en compte lors de la prescription.
Des résultats qui demandent confirmation
« Cette étude est intéressante car elle offre des perspectives pour réduire l’incidence des accidents cardiovasculaires chez les patients atteints de diabète de type 2 », explique dans un commentaire le Dr Amit Khera, qui dirige le département de cardiologie préventive du centre médical UT Southwestern, ainsi que le comité de coordination du plaidoyer de l’American Heart Association. « C’est très important car le diabète de type 2 est un contributeur majeur de l’épidémie actuelle d’AVC et d’arrêts cardiaques. Bien que l’American Heart Association ne recommande pas actuellement l’aspirine à faible dose pour la prévention primaire cardiovasculaire chez les adultes atteints de diabète de type 2 sans antécédents, cette étude soulève des questions pertinentes qui méritent d’être approfondies et validées », ajoute-t-il.
Cette étude observationnelle et ses résultats ne sauraient suffire à justifier une inflexion des recommandations, d’autant plus que les auteurs se basent sur des dossiers médicaux qui les renseignent sur la fréquence des prescriptions, mais pas sur l’observance réelle des patients. Il est aussi possible qu’une partie de la population ait pris de l’aspirine sans prescription. « Il nous faudra examiner comment équilibrer les bénéfices cardiovasculaires de l’aspirine à faible dose avec les risques hémorragiques connus chez les personnes à haut risque, notamment celles présentant une forte inflammation ou des calcifications coronaires infracliniques, précise la Dr Kainat. Il est également possible d’étudier comment les bénéfices de l’aspirine à faible dose interagissent avec les nombreuses thérapies émergentes contre le diabète de type 2 et les maladies cardiaques, telles que les analogues du GLP-1 et d’autres hypolipémiants en plus des statines. »
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